Une demande de prière sur le temps de pause ? une polémique autour de caricatures éditées par un journal ? des demandes d’autorisation d’absence liées à des fêtes religieuses ?...
Autant de questions, de situations auxquelles peuvent être confrontées des managers, chefs d’équipe, puisqu’aujourd’hui dans près de 55% des cas, il y a nécessité d’une intervention managériale. Comment faire pour que celle-ci lorsqu’elle a lieu puisse débloquer des situations difficiles, et être porteuse de cohésion des équipes sur le long terme ?
Prenons pour exemple cette entreprise de services de taille moyenne[1], la politique de diversité voulue par la direction a conduit à une très grande ouverture où le mélange rendait possible une réelle convivialité. Après les vagues d’attentat de 2015, l’ambiance a changé et une suspicion généralisée à l’égard des « musulmans » s’est développée, rendant plus complexe l’organisation de moments festifs. Dans cette situation, et du fait de l’expression d’un communautarisme « culinaire » ou « culturel », voire de slogans hostiles aux étrangers, la direction de l’entreprise a adopté une circulaire prônant une forme de neutralité totale dans l’entreprise, et mis en place une formation « Religions, fanatisme et paix sociale », dont les résultats auprès du personnel ont été mitigés. Passant d’une politique volontariste d’ouverture à la diversité à une neutralité presque totale, l’entreprise n’a pas pour autant réglé la situation sur le long terme.
Dès lors, que penser de la position de l’entreprise qui souhaite imposer une neutralité totale à ses employés ?[2]Si l’on procède à une première analyse rapide de la situation, c’est d’abord la dimension juridique qui s’impose. En effet, la religion, ou son expression au sein d’une entreprise de droit privé n’est pas régie par le principe français de laïcité. Aussi, un employeur peut, en principe, laisser ses salariés exprimer leur appartenance religieuse ou au contraire imposer une neutralité interdisant toute expression du fait religieux au sein de l’entreprise (loi du 12 août 2016). Néanmoins, cette décision unilatérale pourra être contestée par les salariés au motif qu’elle porte une atteinte excessive à leurs libertés individuelles et c’est alors uniquement par une analyse au cas par cas que le juge détermine si la décision de l’employeur est justifiée et proportionnée ou non. Ainsi, le droit étant très prudent sur ces questions, il ne peut seul apporter une réponse satisfaisante, et apparaît la nécessité d’une approche globale incluant la dimension managériale dans la solution qui doit être élaborée.
C’est dans cette perspective que s’inscrit le travail du groupe « religion et entreprise » de l’UCLy, par une approche fondée sur l’anticipation et la prévention des situations problématiques : « mieux vaut prévenir que guérir ». Dans le cadre de ses travaux depuis près de 10 ans, le groupe a eu l’occasion d’aborder de nombreuses situations liées au fait religieux dans les organisations, aussi bien sur le plan international que national et local. La méthode de travail du groupe, est de situer le contexte, procéder à une analyse globale incluant les dimensions juridiques et managériales pour proposer des solutions concrètes et de long terme au service du dialogue et de la diversité dans l’entreprise.
[1] Voir M. Younès (dir.), Faire communauté à distance du communautarisme, Chronique Sociale, Lyon 2017, p. 89.
[2] Voir M. Younès (dir.), Quand la religion s’invite en entreprise, Chronique Sociale, Lyon 2019, p. 53.
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[13 OCTOBRE] Rencontre avec Michel Younès, Gaëlle Hartmann, Christel de La Chapelle, Pierre-Luc Nisol, Franck Fernez
Le Centre d’Études des Cultures et des Religions (CECR), lieu de recherche et de formation, participe à l’organisation des enseignements sur les religions en proposant des cours sur l’islam, le christianisme oriental, l’hindouisme et le bouddhisme.