Présentation du 2nd volume du 28ème tome de la revue Théophilyon (Novembre 2023)
Lectures et dévoiement de l'usage des Écritures saintes
Présentation du numéro
Dans son rapport, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église préconise d’enseigner « que les Évangiles donnent l’exemple d’une parole comme dynamique, non pas de pouvoir sur l’autre, mais de volonté de le faire grandir et advenir, rappelant que, comme dans un échange humain reposant sur des bases saines, la parole ne doit être prise que pour être donnée. » Il s’agit donc de « mettre au jour les expressions bibliques dévoyées à des fins de manipulation et aider à une lecture à la fois critique et spirituelle de la Bible à tous les niveaux de la formation. »[1]
Le comité de rédaction a souhaité proposer un dossier qui étudie, en amont, les enjeux de la lecture des Écritures et ses dévoiements possibles. Les dérives quant à l’interprétation des Écritures saintes, afin de justifier de comportements pervers, sont à relier à une conception et une pratique du pouvoir ainsi sacralisé bien éloignées de la dynamique évangélique. Ces divers aspects sont abordés dans les autres rubriques de cette livraison.
[1] Les violences sexuelles dans l’Église catholique. 1950-2020. Rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, octobre 2021.Version numérique www.Ciase.fr/rapport-final/ Recommandation n° 7, p. 269.
Sommaire du dossier
- Denis Fricker : Les exégèses dites contextuelles et les enjeux éthiques de l'interprétation
- Francesca Peruzzotti : La liberté du lecteur. Possibilités et enjeux à partir de la médiation testimoniale de l'écrit biblique
- Benoît Bourgine : Le texte et son interprétation théologique
Le Dossier examine la question à partir de trois angles : la dimension contextuelle de toute exégèse, la liberté du lecteur et la règle d’interprétation. À partir de plusieurs exemples, Denis Fricker analyse les enjeux des exégèses contextuelles qui se sont développées ces dernières décennies ; afin d’éviter toute confiscation interprétative, il importe d’être conscient de la dimension contextuelle de toute lecture. Francesca Peruzzotti montre comment la liberté du lecteur s’édifie à partir de la primauté absolue de la Bible : au sein la médiation testimoniale qui caractérise la révélation christique, se laisser lire par la Bible suscite la liberté plutôt que cela ne l’aliène. Que dit l’Écriture sainte d’elle-même ? Pour Benoît Bourgine, la Bible donne elle-même sa règle d’interprétation : il convient donc de comprendre l’autorité qu’elle tient de son origine ; néanmoins, cette autorité originaire n’ôte pas à la lettre son ambivalence, c’est pourquoi son interprétation est requise, interprétation renouvelée à chaque époque.
Cette réflexion sur les enjeux du rapport à l’Écriture et ses dévoiements interprétatifs rappelle que celle-ci est transmise à l’intérieur d’une tradition qui se formalise en institution ; on sait combien les défaillances institutionnelles ont contribué à la crise que l’on connaît de nos jours. Les Chroniques rassemblent trois articles issus de la Journée interdisciplinaire que les Facultés de théologie et de philosophie ont organisé autour de la thématique « Pouvoir, Liberté, Institution. Les institutions peuvent-elles servir la liberté ? » Jean-François Chiron interroge la spécificité de l’institution ecclésiale et Gonzague de Longcamp analyse les causes des dérives du pouvoir dans l’Église ; enfin, Emmanuel Boissieu ouvre la perspective en montrant les abus de pouvoir dans le champ du politique.
Bulletin bibliographique
En écho à ce Dossier, dans le Bulletin bibliographique, Daniel Moulinet recense l’ouvrage de T. Cavalin sur les frères Philippe ainsi que le rapport de la commission chargée d’enquêter sur les déviances de Thomas Philippe et Jean Vanier à l’intérieur de l’Arche[1] etle rapport de la commission interdisciplinaire des Frères de Saint-Jean. Cette mise en perspective historique éclaire les racines de ces errements et la tragique occultation, par l’institution, de ces égarements personnels. Le rapport au sacré, et particulièrement la sacralisation de la personne du prêtre, renvoie à un autre enjeu derrière ces crises : le rapport au mystère de la vie, cet inatteignable, à l’origine de tant de perversités s’il n’est pas régulé par le symbolique à travers diverses formes de médiation.
[1] Affaire que le rapport de la CIASE évoque nommément au § 0912.
Mélanges
Dans un autre registre, dans les Mélanges, Pascale Deloche, à partir de l’histoire singulière de Pier Paolo Pasolini, décrit la complexité du lien entre éros et sacré. L’itinéraire tragique de cet homme, déchiré et attachant, témoigne du lien complexe qui relie sexualité et sacralité et invite à s’interroger sur la réduction du christianisme à une simple forme religieuse alors qu’il porte en lui, de manière essentielle, une autre Parole qui oriente vers la sainteté appelée à convertir le sacré anthropologique.
Les Mélanges proposent aussi un article de Justin Hagerman sur la rhétorique du soi en relation avec la Croix, le Crucifié et la Loi à partir d’une exégèse de Galates 2, 20.
Chroniques
Enfin, les Chroniques publient la leçon d’adieu d’Isabelle Chareire prononcée à l’occasion de son départ à la retraite. Théophilyon, la revue des facultés de théologie et de philosophie, se réjouit d’accueillir Jérôme Moreau qui lui succède pour continuer le travail avec Francesca Simeoni, rédactrice pour la philosophie et avec Myriam Jeantroux, secrétaire de rédaction. Avec le comité de rédaction, cette équipe poursuivra avec soin et enthousiasme l’élaboration de numéros qui, nous l’espérons, continueront de répondre à vos attentes.
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