Présentation du 1er volume du 28ème tome de la revue Théophilyon (Avril 2023)
Bonheur & spiritualité
Puisque, présentement, trop souvent le juste souffre alors que prospère l’impie, Emmanuel Kant fait dépendre notre bonheur dans l’autre monde de notre qualité d’en être digne – à honorer en suivant la loi morale. Mais l’Évangile n’est-il pas d’abord une éthique du bonheur plutôt que du devoir ? Si le message évangélique appelle et promet le bonheur, celui-ci ne s’acquiert pas à la force du poignet : le publicain est justifié alors que le pharisien saturé de sa droiture morale ne l’est pas (Lc 18, 9-14) ; et les évangiles n’ignorent pas le tragique de l’existence comme le donnent à entendre les Béatitudes. Chercher le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné de surcroît : la Bonne Nouvelle situe le disciple entre le déjà-là et le pas-encore du Royaume. Certes, le christianisme n’est pas une religion d’arrière-monde : ne pas se soucier du lendemain (Lc 12, 22-31) donne au présent sa pleine valeur et invite à vivre selon une dynamique où le bonheur, s’il est bien à construire, n’est pas objet de conquête à tout prix mais ce qui jaillit du mode d’être-au-monde proposé par le Nazaréen – plus radical et moins étroit que la stricte obéissance à la loi morale, plus paradoxal aussi. L’existence chrétienne est ainsi traversée par ces tensions entre la vie présente appelée à être heureuse, dans les multiples formes de la condition humaine en sa contingence, et son incomplétude qui désigne le bonheur comme don plutôt que comme dû, dans l’espérance de l’accomplissement eschatologique de la promesse. En quoi ces ressources de sens portées par l’Évangile permettent-elles de discerner dans les quêtes de bonheur de nos sociétés celles qui sont illusoires et celles qui sont dynamiques de vie ?
Sommaire du dossier :
- Bertrand Pinçon : Le bonheur contrarié du sage face à Dieu
- Jacques Descreux : La quête de bonheur dans l'évangile de Marc
- Isabella Guanzini : La joie du septième jour. Notes pour une spiritualité du travail
Les Mélanges se font l’écho de deux thèses soutenues au cours de l’année 2022 : Riccardo Rezzesi présente son travail sur « l’École lyonnaise du catholicisme social de Joseph Vialatoux à Jean Lacroix et François Perroux » et Emmanuel Boissieu son analyse de l’herméneutique philosophique du religieux dans l’œuvre de Paul Ricœur.
Les Chroniques Régionales publient les communications données lors la Journée d’étude de la Faculté de Philosophie qui s'est tenue le 22 juin 2022. Dans un contexte marqué par des idéaux réduisant l’être humain à la machine – et dont le ChatGPT n’est que le dernier “avatar”– , le colloque s'est proposé de scruter diversement l'humain de la pensée avec quatre contributions : Francesca Simeoni montre combien, à la différence d’une pensée machinale pesant et calculant, ignorante du pouvoir de l’ignorance même, l’étonnement et le manque, proprement humains, sont à la source de toute pensée vivante, créatrice ; Christine Bouvier-Müh, à la suite de Gilbert Simondon interroge en mode critique notre rapport à la technique ; Pascal Marin questionne les représentations de la technique et, à l’illusion d’une machine autonome pensante, il oppose le vif de la pensée humaine caractérisée par la conscience du temps dans lequel elle se déploie ; la temporalité est le lieu de l’imprévisibilité, de l’événement : ce que nous donne à saisir François-Xavier Nguyen qui, dans le sillage de Jacques Derrida, montre la fine pointe de la pensée humaine : se décider face à l’indécidable.
Avec ce numéro nous publions aussi le deuxième Bulletin de la Chaire Jean-Bastaire, ainsi que plusieurs recensions.
Commande d'un ou plusieurs numéros
