Théologiennes en herbe 

Elles s’appellent Tiphaine, Emilie et Jacqueline. A elles trois, elles incarnent la diversité des visages qui composent la mosaïque des étudiants en théologie – version féminine ! Ces trois globe-trotteuses nous racontent leurs parcours respectifs, aussi riches que différents.

Le goût de Dieu

Émilie est née au Sénégal il y a un peu plus de trente ans. Troisième de six enfants, elle a pour modèle de sainteté sa propre mère, de qui elle a reçu toute sa foi. De confession musulmane, celle-ci s’est convertie au catholicisme pour épouser l’homme qu’elle aimait, une décision lourde de conséquences mais qui a été un véritable chemin de vie. Habitée d’une foi authentique, elle a appris à ses enfants à prier, à aimer la Vierge Marie, et les a éduqués en les corrigeant toujours du même ton fâché : « ce n’est pas digne d’un chrétien ça !».

Tiphaine, elle aussi, a entendu parler de Jésus dès le berceau. Elle se souvient des cours de catéchèse que lui donnait sa maman, alors qu’ils étaient partis plusieurs années à Dubaï pour le travail de son père. La trisomie de son jeune frère, de huit ans son cadet, l’a obligée à s’interroger sur le sens de la vie, de la souffrance, de la fragilité. Mais elle s’est aussi laissée toucher par cette foi simple, naturelle, ce lien qui semble depuis toujours relier son frère directement à Dieu. Elle a également beaucoup reçu durant ses années d’école chez les Ursulines, et à travers le scoutisme, lieu où le Seigneur est venu la saisir durant un voyage en Tanzanie.

Jacqueline a grandi quant à elle dans une famille protestante qui allait au culte le dimanche mais parlait peu de Dieu. Elle a 15 ans quand le mot théologie titille ses oreilles pour la première fois, et elle s’étonne que la matière, bien plus passionnante que tout ce qu’on lui enseigne, ne figure pas au programme scolaire. Ses racines lozériennes puisent au village où a éclaté la révolte des camisards au début du 18ème siècle, entre catholiques et protestants. Devenue bibliothécaire à Paris, puis en Bretagne au cœur d’une maison diocésaine, son cheminement l’a conduite à recevoir la confirmation dans l’Eglise catholique au mitan de sa vie : « Il me semblait que je devais choisir pour que mon identité soit claire à moi-même et que je puisse la dire ». Pour autant, elle n’a jamais renié son héritage protestant, et mesure la fécondité du dialogue entre les deux confessions, auquel elle se sent appelée.

Le choix de Lyon

De Rennes, où elle a fondé un groupe œcuménique, Jacqueline est amenée à partir s’installer à Jérusalem pour travailler à la Bibliothèque de Tantur, le centre œcuménique fondé au pied de Bethléem après le Concile Vatican II. Rentrée en France il y a quatre ans, c’est tout naturellement qu’elle prend le chemin de Lyon pour y entreprendre des études de théologie à l’UCLy. La densité de l’histoire œcuménique de la ville, tout comme sa situation géographique, ont raison de son choix. Pendant deux ans, elle est encore parallèlement responsable du groupe français de l’Amitié œcuménique internationale (IEF), puis se consacre entièrement au travail universitaire, rêve qu’elle nourrissait depuis si longtemps.

Tiphaine, originaire de Paris, a eu un coup de cœur pour la cité des Gaules en venant y démarrer ses études d’ingénieur. Très mariale, elle monte à la Basilique de Fourvière lors de son premier 8 décembre et ressent profondément qu’elle a trouvé sa ville d’adoption – tout juste un an après avoir trouvé le prince charmant… Une fois diplômés, les jeunes mariés partent vivre au Canada mais en reviennent assez vite, n’ayant pas trouvé un socle spirituel suffisant pour les aider à transmettre leur foi aux enfants venus agrandir la famille.

Pour Émilie, c’est l’appel de Dieu qui l’a menée jusqu’ici. A 20 ans, après des années difficiles marquées par le décès de sa maman à la suite d’un long cancer, elle entre chez les sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur. Ce n’est une surprise pour personne, dès l’adolescence Émilie rendait visite aux jeunes femmes dans les prisons, où elle a rencontré ces religieuses venant en aide aux victimes de viols et de trafics. Au terme de son noviciat, elle part en mission au Burkina Faso, aux États-Unis puis rentre au Sénégal. Elle y fait ses premiers pas en théologie avant d’être envoyée en France pour y démarrer un cursus universitaire. Elle rejoint Lyon où cinq autres sœurs du Bon Pasteur tiennent déjà un foyer d’accueil dans le 5ème arrondissement. Engagée dans l’équipe de formation et la préparation des JMJ pour sa congrégation, elle est aussi membre de l’équipe d’animation pastorale de sa paroisse.

La passion des études

« Tout m’intéresse ! » Si nos trois étudiantes ont un point commun, c’est bien celui du goût qu’elles trouvent dans leurs études actuelles. Enseignante en physique-chimie, Tiphaine a demandé un temps sabbatique de formation pour démarrer la licence en théologie. « J’avais besoin de mettre des mots sur ce que je percevais et c’est le cas ! » Philosophie, dogmatique, épistémologie, la variété des matières vient alimenter son goût pour la chose intellectuelle. Elle trouve son équilibre familial en gardant son mercredi et ses week-ends pour être auprès de ses cinq enfants, et tenir ses nombreux engagements associatifs et paroissiaux. Elle peut compter sur le soutien inconditionnel de son mari et partager avec lui tout ce qu’elle découvre. Ses connaissances ont même profité à son fils aîné qui passait le grand oral du baccalauréat l’an dernier.

Pour conjuguer études, mission et vie communautaire, Émilie aussi doit bien s’organiser. « Les premiers mois j’étais très stressée mais heureusement les étudiants m’ont beaucoup aidée ! » Touchée par l’accueil des étudiants étrangers, elle a très vite sympathisé, notamment avec les étudiants des différentes communautés religieuses qui composent une partie du visage de la faculté. Très nourrie par ses cours, férue d’exégèse, elle trouve difficile de « débrancher » pour laisser parler son cœur durant ses temps d’oraison. Mais ses études l’ont également fait sortir d’une certaine naïveté spirituelle, lui permettant de grandir dans la connaissance de Dieu tout en faisant tomber de fausses images qu’elle avait de lui.

Jacqueline, quant à elle, fait partie des nombreux étudiants et auditeurs libres qui plongent dans l’univers de la théologie après une vie professionnelle bien remplie. Pères de l’Église, Saint Thomas d’Aquin, Simone Weil, sans oublier bien sûr le très bon cours sur l’œcuménisme qu’elle suit à distance sur « Théo en ligne », Jacqueline apprécie la diversité des cours proposés et se réjouit des liens toujours plus grands qu’elle peut faire entre chacun. A l’aise comme un poisson dans l’eau sur le campus Carnot et tout spécialement à la bibliothèque dont elle guette régulièrement les nouveautés, son cœur œcuménique souhaiterait voir cette dimension davantage marquée, convaincue que la théologie est un des chemins pouvant conduire les chrétiens à une plus grande unité.

Amandine Côte

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