Sommaire du n° 188 - Mars 2024
La parole aujourd’hui
De son invisibilité culturelle à son actualité biblique
Pascal Marin
Résumé - L'actualité est à l'installation dans l'imaginaire médiatique de puissants idéaux de conversion de l'homme et de la machine, intelligence artificielle et robotique. Dans un tel contexte d'érosion du sens de l'humain, la parole devient synonyme de communication. Elle se voit affectée désormais aussi bien à tout vivant qu'à ces algorithmes dotés d'étonnantes capacités à la conversation. Mais simuler n'est pas reproduire. Et que la distinction échappe à cette culture de haute modernité technologique nous dit combien les mots nous manquent désormais pour signifier ce qui fait de nous autres humains, des parlants.
En ce contexte, il est urgent de retrouver la parole. Et c'est là justement que les dits et récits bibliques se révèlent en capacité de libérer, comme jamais, un potentiel critique de mise à distance des conceptions habituelles à ce temps. Ils peuvent rouvrir à la pensée des voies vers la parole, cet essentiel de l'humain. Par la sagesse qu'elles reçoivent d'une expérience radicale de l'humain, les Écritures portent en elles, tel un trésor d'humanité, l'énigme d'une parole liée à l'humaine finitude et pourtant en paradoxale capacité de faire surgir des mondes, ces univers de sens où les œuvres humaines attestent une créativité profuse.
Plaidoyer pour l’âme
Jean-Loup Ducasse
Résumé – Que faisons-nous de la parole quand l’attrait de toute sorte de biens (économiques, culturels, politiques, sociaux, symboliques) tend à la réduire en légitimation d’intérêts en lutte ? S’il est vrai qu’une parole peut opérer le salut de nos âmes (1Pierre1,9) en l’arrachant à la convoitise de ces mêmes biens, comment favoriser son œuvre ? L’âme étant le lieu privilégié de l’action de cette parole, oublier ce terme, méprisé du discours savant et largement absent des traductions françaises de la Bible, c’est altérer les possibilités d’interprétation du texte, et, partant, d’accueil de la parole. Réhabilitons l’âme.
Parcourant des chantres de l’âme (Pères de l’Église et autres spirituels), Jean-Loup Ducasse retrouve le triptyque âme-corps-esprit qui permet d’échapper à la dichotomie corps/âme, mais aussi une exploration des facultés de l’âme. Revenant à la Bible, il restitue l'âme comme traduction des mots nèfèsh (hébreu) et psychè (grec), dans quelques textes majeurs où elle figure. Ainsi s’offre à l’observation du lecteur une chaîne signifiante de l’âme. Elle culmine dans le don que fait Jésus de son âme, jusque dans sa mort, pour la trouver en Dieu et nous ouvrir la voie.
A suivre, pour vivre. Inspirant pour la pastorale.
La Bible, une littérature vitale qui devient Parole
Elie Ayroulet
Résumé – Cette étude présente quelques aspects du rapport que Grégoire le Grand (v. 540-604) entretient en tant que lecteur avec le texte biblique et qu’en tant que pasteur, il promeut pour tous. En quoi la lecture du texte biblique témoigne-t-elle d’une force vitale et « créatrice » qui donne forme à son lecteur ? Pour répondre à cette question, il convient de s’interroger d’abord sur la manière spécifique dont Grégoire conçoit l’Écriture. Ensuite sur sa façon d’envisager son acte de lecture. Pour ce faire, on prendra appui quelques formulations grégoriennes marquantes issues principalement de ses Homélies sur Ézéchiel et de ses Moralia in Job. Au cœur de l’acte de lecture entre ciel et terre, entre éternité et temporalité, la croissance du lecteur et ses effets sur le texte biblique témoignent de la force « créatrice » de celui-ci.
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Depuis 1975, cette revue de langue française propose des études de texte, des éléments d’initiation à la lecture sémiotique et des réflexions théologiques et théoriques
