INCERTITUDES
L’Unité de Recherche CONFLUENCE Sciences & Humanités de l’Université catholique de Lyon (UCLy) a organisé, le 2 février 2023, une journée d’étude sur le thème « Incertitude(s) ». Sur la base des réflexions et des échanges interdisciplinaires que cette journée a suscités parmi la communauté des chercheuses et chercheurs, la Revue CONFLUENCE Sciences & Humanités souhaite, dans le cadre de la publication des actes de cet événement, ouvrir plus largement au débat scientifique cette question de l’incertitude.
Mots-clefs : doute - vulnérabilité- prudence- quête - levier - futurs possibles.
Les articles sont à soumettre en ligne à revueconfluence@univ-catholyon.fr au plus tard pour le vendredi 30 juin 2023. Ils devront respecter la politique éditoriale, la charte éthique et les consignes aux auteurs de la revue.
Calendrier
• Date limite d’envoi des articles : vendredi 30 juin 2023
• Date de publication prévue : courant 2024
La Revue CONFLUENCE : Sciences et Humanité
Portée par l’Unité de Recherche de l’UCLy, cette revue est à la confluence des sciences du vivant et des sciences humaines et sociales. La diversité des disciplines et des unités d’appartenance des membres de ses comités reflète son ambition pluridisciplinaire et internationale. Elle s'attache à explorer des objets scientifiques singuliers en valorisant des regards croisés.
Modalités de soumission et d’évaluation :
Les propositions d’articles, jusqu’à 40 000 signes, peuvent être rédigées en français, en en anglais ou dans une langue parmi les suivantes : espagnol, italien ou allemand. Elles peuvent émaner de différentes disciplines scientifiques (sciences du vivant et de l’environnement, sciences humaines et sociales, etc.).
Elles seront évaluées en double aveugle selon la procédure indiquée sur le site de la revue, ainsi que les règles concernant l’intégrité scientifique de la revue, des évaluateurs et des auteurs.
Consignes aux auteurs
Argumentaire :
L’exploration de la notion de l'incertitude vise à interroger les cadres théoriques et conceptuels dans lesquels s’inscrivent les travaux analytiques et empiriques, et autour desquels se noue la compréhension du terme « incertitude(s) », qui peut sembler de prime abord univoque, au sein même d’un champ disciplinaire (Van de Leemput et Salengros, 2007). Le concept d’incertitude révèle pourtant des nuances interprétatives variées et des champs d’investigation divers. Dans le contexte actuel des sociétés contemporaines, croiser les objets d’étude permet non seulement de nourrir le dialogue interdisciplinaire de manière féconde, mais surtout d’apporter un éclairage fructueux sur les dimensions plurielles et heuristiques des mécanismes au cœur d’une confrontation réflexive avec l’incertitude.
L’incertitude renvoie à une pluralité de notions, changeant aussi en fonction des disciplines : doute, imprécision, indifférence, complexité, instabilité, imprévisibilité, risque, etc. Comment s’articulent-elles ? L’incertitude est à l’origine du geste humain en général : philosophique et scientifique, mais aussi religieux et artistique. L’enseignement socratique autour du non-savoir consistait précisément dans la remise en cause radicale des croyances et convictions. La vie est jalonnée et imprégnée d’incertitude, l’existence humaine devant en permanence composer avec l’imprévu, la complexité et l’entropie (Atlan, 1979). L’incertitude est la règle alors que la certitude découle de l’illusion du contrôle sur la pensée et sur le vivant. Certains théoriciens postulent l’avènement d’une ère « post-normale » et « liquide », plus que jamais sous le règne de l’incertitude (Bauman, 2007). Il s’agit d’une période de rupture avec le projet d’un monde ordonné, stable et rationnel mis à l’honneur par les Lumières (Montuori, 2014) : plus rien aujourd’hui ne semble fixe ni stable (emplois, identités…).
L’incertitude est en ce sens le premier moment de toute quête (de savoirs, de soi, de la vérité, de sens, des lois naturelles…) (Patočka, 2016). L’avènement de la science moderne a fait en quelque sorte oublier cette dialectique féconde entre connaissance (de soi et du monde) et incertitude : Descartes établit le lien entre certitude et vérité, Galilée découvre la prévisibilité des phénomènes naturels. Malgré l’idéal de connaissance vraie qui les anime, le doute reste pourtant un pilier de leur démarche intellectuelle et scientifique (Miller, 2015) : la catégorie d’incertitude imprègne la vision scientifique moderne, et toutes les sciences dites « exactes » (Kuhn, 1983). La démarche expérimentale procède ainsi par tentatives progressives de diminution des incertitudes. Remettant en cause la prédictibilité ainsi que le primat d’un sujet rationnel maîtrisant le monde (Henry, 2007), la pensée de l’incertitude s’est déployée avec une intensité renouvelée dans le sillage des « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud), irriguant les sciences humaines et sociales au vingtième siècle.
Axe 1 : Incertitudes et prudence
Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment appréhender et comprendre l’incertitude et son vécu dans les sociétés contemporaines ?Faut-il considérer que l’incertain est dépourvu de vérité et de sens ? Ou au contraire : la situation des sociétés contemporaines nous met-elle face à des nouvelles formes et manifestations de l’incertitude ? Une telle pluridimensionnalité présupposée justifie-t-elle l’usage du pluriel : incertitudes ? Fragilités des connaissances scientifiques, vulnérabilités des systèmes (social, politique, économique, de santé, etc.), précarités des vies… : de nombreuses incertitudes jalonnent l’environnement et les parcours individuels.
L’incertitude est aujourd’hui au cœur des savoirs et des discours portant sur l’impact de la mondialisation sur les économies et les sociétés technoscientifiques (Aimar, 2009). Dans le contexte de crises contemporaines interdépendantes (économique, sanitaire, environnementale), l’incertitude fait l’objet de perceptions contrastées.
Connotée négativement dans le langage courant, elle est fréquemment présentée comme l’envers de la certitude, sa face négative (Bourgeault, 1999). Au sein d’un environnement décrit comme volatil, incertain, complexe et ambigu (VICA, selon l’acronyme développé par les travaux de Bennis et Nanus, 1985), le choix fréquemment mis en avant consiste à tenter de maîtriser l’incertitude : procéder à une gouvernance et un management du risque, établir des contrats et des normes censées réduire l’incertitude originelle. La question de la certitude en droit se pose aussi dans le contentieux (Heinich, 2015) : sans certitude, pas de condamnations, et le doute profite à l’accusé.
Connotée positivement, l’incertitude peut être appréhendée comme un défi qui appelle l’innovation : la démarche entrepreneuriale, par exemple, implique la prise en compte des risques et la capacité à s’adapter aux aléas du marché, mais également à la rationalité limitée des acteurs économiques (Facchini, 2007). Elle s’appuie pour cela sur la prospective, qui reflète la tentative de s’emparer de l’incertitude pour la réduire.
Faire l’expérience sociale de l’incertitude comporte une dimension ambivalente (emplois, identités…) : la société valorise l’incertitude sous la forme de la flexibilité et de l’injonction à s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe mais s’efforce de prémunir contre les différentes formes de précarité (Koubi, 2005). À quel moment alors l’incertitude devient-elle « normale ou pathologique » (Maldiney, 2007) ?
Axe 2 : L’incertitude, un levier méthodologique ?
Catégorie inhérente à la capacité humaine de connaître, donc à la science, l’incertitude définit plus largement et plus profondément l’existence, en se présentant tout à la fois comme limite et comme ressource. Incertaine est la vie dès son essence : incertus est ce qui échappe à la maîtrise, à la prévision, au calcul mathématique, à la loi de causalité. L’incertitude ouvre une faille, par laquelle se déploient la liberté humaine et la quête de transcendance, mais aussi la créativité et l’innovation. Aussi, l’incertitude qui est au cœur de la condition vulnérable constitue le socle du lien intersubjectif et social. Il y a alors différentes manières d’habiter l’incertitude : une « bonne précarité », qui exprime le besoin de l’autre pour vivre, dans la réciprocité et dans la confiance, et une « mauvaise précarité », qui implique l’impossibilité de la rencontre, de la relation (Furtos, 2021), ce qui est d’ailleurs souvent le propre des pathologies du psychique.
L’incertitude est d’abord un sentiment, mais aussi une notion construite, un phénomène social aujourd’hui indissociable de la crise de légitimité des institutions. Confrontés à l’incertitude, quelles postures les individus et les groupes adoptent-ils ? Quelles ressources institutionnelles (religieuses, familiales, associatives, etc.) ou organisationnelles (management de projet…) mobilisent-ils ?
La part d’incertitude peut être comblée par des croyances partagées ou par des dispositifs normatifs. De nombreux bouleversements (sociétaux, climatiques, sanitaires) renvoient face à l’incertitude individuelle, mais aussi collective (Grossetti, Bessin et Bidard, 2009). La science a également été confrontée à ses limites intrinsèques. Alors que ces débats avaient lieu auparavant dans le cercle strict de la communauté scientifique, l'incertitude dans la science est aujourd'hui plus que jamais un enjeu public. Enfin, l’appréhension de l’incertitude varie suivant les sociétés étudiées. Les incertitudes ne sont-elles pas aussi des conventions, historiquement, géographiquement et culturellement situées (Dousset, 2018) ?
Coordinatrices du dossier :
- Béatrice Blanchet, Université catholique de Lyon
- Baptiste Colin, Université catholique de Lyon
- Chiara Pesaresi, Université catholique de Lyon
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