Résumé
L'organe pinéal est un organe présent chez tous les Vertébrés. Il est le principal composant de l'horloge biologique dont la fonction essentielle est de synchroniser les fonctions physiologiques et comportementales. A l'origine, transformateur des informations lumineuses en un messager neuronal et chimique, la mélatonine, il perd la capacité de photoréception au profit des yeux latéraux. Cette régression semble s'amorcer chez les Amphibiens dont l'étude est moins avancée que celle des autres groupes de Vertébrés. Le présent travail porte sur la quasi-totalité des "radiations" d'Amphibiens actuels dans un but de synthèse pouvant aider, tant à la compréhension de l'évolution pinéale qu'à celle des Amphibiens en général. Pour homogénéiser les résultats, les espèces étudiées l'ont été suivant un ensemble de méthodes toujours identiques : études embryologiques, histologiques, en microscopie électronique à balayage et à transmission.
Chez les Anoures, nos résultats ont confirmé la présence d'un complexe pinéal bipartite, formé d'un organe parapinéal ressemblant à un œil situé sous la peau et d'un organe pinéal intra-crânien. Ces deux organes comportent des cellules photoréceptrices. Mais il semble qu'une régression parapinéale atteint certaines espèces.
Chez les Urodèles, la présence d'une partie parapinéale régressée, accolée à la partie pinéale est un caractère apomorphe des Urodèles par rapport aux Anoures. Par ailleurs, les transformations des cellules photoréceptrices ne se font pas à la même vitesse dans les différentes radiations. Ceci conforte l'idée actuelle, d'une évolution en mosaïque des Urodèles. De fait si l'évolution pinéale est déjà intéressante par elle-même au niveau de l'établissement d'une horloge biologique, elle est aussi un marqueur évolutif très intéressant pour l'étude des relations des trois ordres d'Amphibiens.
Chez les Gymnophiones, seule une espèce très évoluée, Typhlonectes compressicaudus, a fait l'objet d'investigations. On ne trouve plus trace de bipartisme pinéal. Il est alors difficile de séparer ce qui est de l'évolution générale et ce qui relève de l'adaptation à la vie souterraine des Gymnophiones classiques.
L'étude en microscopie électronique confirme ce que les observations en photonique pouvaient avoir de subjectif (forme, nature des photorécepteurs). De plus, elle montre, chez Necturus maculosus (Urodèle), une accumulation probable de cristaux organiques. Cela traduirait un dysfonctionnement dans la chaîne qui conduit à la métamorphose. Chez T. compressicaudus (Gymnophione), un type inconnu de récepteur cellulaire a été décrit. Ceci accroît l'originalité des Gymnophiones actuels et fossiles.
Pour mieux comprendre l'un des épisodes clés de l'histoire de l'horloge biologique, il serait nécessaire de généraliser ces observations et de les compléter par d'autres voies : biochimie, culture in vitro des tissus, biologie moléculaire.