Résumés des articles du second volume du 5ème tome de la revue Théophilyon
Emmanuel Gabellieri - Christianisme et politique chez H. Arendt et S. Weil
Dans son interprétation du totalitarisme comme dans sa philosophie politique, H. Arendt semble, à l'inverse de S. Weil, poser une relation d'exclusion mutuelle entre politique et religion. Pourtant, on peut constater une double convergence. D'une part, S. Weil développe une critique philosophique du rapport entre christianisme et histoire qui se rapproche de bien des remarques d'H. Arendt. D'autre part, H. Arendt établit un parallèle discret, mais fondamental, entre le message évangélique et sa propre philosophie de la liberté (exprimé par les concepts de « natalité », de « pardon » ou de « promesse »). Critique de l'histoire et foi en la possibilité incessante d'un « jaillissement » créateur peuvent alors aider à confronter les thèmes d'une philosophie de « l'action », et ce que Blondel proposait d'appeler « l'Esprit chrétien ».
Miklos Vetö - Idéalisme allemand et christianisme
L'idéalisme allemand donne l'exemple d'un courant philo-sophique majeur dont les contenus s'articulent aux contenus mêmes de la révélation chrétienne. S'il se pluralise dans les quatre figures que sont l'idéalisme critique (Kant ), l'idéalisme éthique (Fichte), l'idélisme absolu (Hegel) et l'idéalisme objectif ou esthétique (Schelling), sa caractéristique la plus large est de développer une métaphysique de la liberté, rompant avec les limites d'une métaphysique de l'être où sens et histoire semblent toujours devoir s'opposer. L'importance ainsi accordée au temps, comme révélation de la liberté aux prises avec la vérité, est illustrée par la manière avec laquelle chacun des modèles de l'idéalisme allemand traite de la connaissance religieuse, de la figure du Christ et du problème du mal.
Philippe Capelle - Le statut de la phénoménologie de la religion chez Martin Heidegger
Rompre avec le « système » de la pensée scolastique n'a pas conduit le jeune Heidegger à vouloir substituer la philosophie à la religion, mais à vouloir fonder une phénoménologie de la religion pensant la présence de Dieu comme expérience vivante. Le projet de cours sur les Fondements philosophiques de la mystique médiévale (1918) puis l'Introduction à la phénoménologie de la religion de 1920-21 visent ainsi un contenu de signification en amont de toute théorisation objective, se déployant dans une dimension essentiellement historique et temporelle. Ceci détermine à la fois ce que doit le jeune Heidegger à sa « provenance théologique » et le dialogue qui serait à engager avec sa phénoménologie de la religion.
Pierre Gire - Maître Eckhart, mystique et christianisme
Maître Eckhart est simultanément philosophe, théologien et mystique. Il s'inscrit dans le christianisme, au carrefour de traditions intellectuelles et spirituelles multiples (Néoplato-nisme, Ecole dominicaine, influences théologiques juives et musulmanes...). C'est à partir de cet horizon d'intelligibilité qu'il est possible d'interpréter la signification de son expérience mystique comme l'épreuve de la Vie absolue de Dieu dans la réalité de la créature humaine. Cette épreuve s'offre sous la figure de la percée, autant dire de l'enracinement métaphysique de l'âme dans la Divinité par la médiation nécessaire du Verbe. Il s'agit alors pour l'homme d'être fils dans le Fils (image dans l'Image) en s'appuyant sur une pratique du détachement radical : n'être fixé sur rien, excepté en Dieu. La vie mystique, soutenue dans le Christianisme, est ici le véritable témoignage rendu à la Vie divine comme l'Originel qui porte toutes choses.
François Chirpaz - Nommer Dieu ?
Le christianisme invite à penser un Dieu qui se révèle en restant le Tout-Autre. Dieu et l'homme n'étant pas étrangers l'un à l'autre, la critique des représentations anthropomorphiques doit néanmoins accompagner celle des modèles naturalistes, si l'on veut préserver le rapport à l'altérité présent au cœur du langage. Une telle démarche se constate dans la tradition biblique, mais aussi dans la pensée grecque. Toutefois, la parole grecque s'exprime davantage « au sujet de » Dieu, alors que la démarche biblique est une parole « s'adressant à » Dieu. Ainsi, là où la philosophie n'évite le plus souvent la réduction de Dieu à la pensée humaine que par la voie négative, la « parole de prière », si elle se heurte aussi au silence de Dieu, exprime la foi que la pensée ne peut dire le tout de la possibilité humaine.
Philippe Soual - Visages du « Père ». De la philosophie à la révélation
Parler de Dieu comme « Père » doit s'entendre au-delà de toute projection anthropomorphique naïve. L'expérience humaine de la paternité témoigne de la distance entre le pouvoir de donner la vie et le surgissement d'un autre, l'enfant, qui n'est pas la « création » de ses parents. Pour la métaphy¬sique grecque (Aristote, Plotin) comme pour la pensée chrétienne (Augustin, Descartes), il y a là le signe d'une origine transcendante de la vie et de l'esprit. Mais la révélation chrétienne conteste tout schème émanatiste, en donnant à penser une générosité créatrice qui libère aussi bien le vrai sens de la paternité humaine que celui de Dieu comme Trinité, ignorant la solitude de l'Un.
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