Sommaire de la revue n°135
La mort d’Ananie et Saphire (Actes 5, 1-11) – Jean-Pierre Duplantier
Avec cet article de Jean-Pierre DUPLANTIER (CADIR-Aquitaine) s’achève la publication des communications données lors du colloque tenu au CADIR en avril 2007 sur les Actes des Apôtres (cf. S&B, n° 134, juin 2009). Le récit de la mort d’Ananie et Saphire résiste à une lecture immédiate, tant il vient perturber l’image un peu idyllique que les lecteurs se font de l’église primitive et tant la condamnation qui frappe le couple paraît insupportable. L’article analyse de dispositif du dépôt des biens aux pieds des apôtres, manifesté à plusieurs reprises dans ce début du livre, en montre en quoi le comportement d’Ananie et Saphire peut y faire écart et comment est introduite une pluralité de points de vue, comme si un même événement était raconté selon trois spectateurs différents, Ananie, Pierre et Saphire ; et que l’un d’eux, Pierre, faisait état d’une perception totalement décalée avec le cours du récit … et les habitudes des lecteurs. Il introduit en effet des acteurs insolites, Satan et l’Esprit Saint, ainsi que des opérations étranges : qu’est-ce que ‘remplir le coeur d’un homme’, lorsque c’est Satan qui s’en occupe ? Qu’est-ce que ‘mentir l’Esprit Saint’ ? L’épisode d’Ananie et Saphire s’avère alors être le lieu d’une confrontation entre deux perspectives, ou deux projets : « Ce n’est pas le couple qui est frappé, c’est l’Église, dont l’un et l’autre sont membres, qui est conduite au-delà de ses représentations ».
Éli ou Élie ? (Mt 27, 45-50) Quand l’ironie tourne au vinaigre – Serge Wüthrich
Serge Wüthrich (Institut Protestant de Théologie – Paris) propose dans cet article une analyse des dernières paroles de Jésus en croix dans l’évangile de Matthieu (27, 45-46). Élaborée dans le cadre d’une recherche sur l’ironie mise en discours, cette analyse met en oeuvre les principes théoriques et méthodologiques de J. Geninasca. L’auteur observe dans ce fragment la présence de trois segments textuels dont la structure offre plusieurs points de comparaison. La méthode d'analyse choisie requiert, « une fois déterminées les limites des segments textuels et le découpage achevé […d'établir] des relations hiérarchiques, paradigmatiques et syntagmatiques constitutives des unités discursives. » En d'autres termes, les trois unités discursives distinctes, que recouvre chaque espace textuel défini ci-dessus, se caractérisent par les relations d'équivalence sémantique qu'elles entretiennent entre elles. Il est ainsi possible de dégager de telles relations qui font correspondre à toute représentation sémantique d'une unité, une représentation identique ou modifiée appartenant à une autre unité. L’analyse permet d’éclairer d’un jour nouveau deux questions habituellement posées à la lecture de ce passage : la première est de savoir pourquoi, à partir du cri de Jésus, les spectateurs concluent qu'il appelle Élie. Et la seconde, quel rapport existe entre leur méprise et l'image d'un homme qui court chercher du vin vinaigré pour l'offrir à Jésus. L’ironie serait à reconnaître dans la stratégie énonciative d’un sujet d’énonciation implicite dont témoigne la mise en discours et l’organisation textuelle du fragment. Et l’on peut alors suggérer l'idée que l'ironie est ici le trait textuel dont l'actualisation en discours oblige le destinataire à un déplacement radical.
Le testament spirituel de Jésus selon Jn 13-17. En écoutant Jean Delorme. 1ère partie : Jean 13-14 – François Genuyt
François GENUYT (CADIR-Lyon) commence avec ce texte une série d’articles mettant en forme le contenu de conférences données en Savoie par Jean DELORME (en 1998-99). On retrouvera ici cette manière de lire propre à Jean Delorme, une lecture au fil du texte, attentive aux vibrations du discours, et aux jeux des figures, supposant tout un travail sémiotique, théorique et méthodologique, dont pourtant n’apparaît ici aucune forme jargonnante… La lecture au fil du texte se construit pour que parle le texte. Dans ce premier article seront abordés la scène du lavement des pieds et celle du dernier repas. On notera comment les résistances de Pierre aux gestes et aux propos de Jésus scandent la progression du récit.