Sommaire de la revue n°128
Vision et écriture dans le livre de l’Apocalypse – Louis Panier
Après avoir rappelé quelques grands traits de l’approche sémiotique des textes pratiquée au CADIR, Louis PANIER (CADIR-Lyon) analyse dans le livre de l’Apocalypse le rapport entre écriture et vision. Le texte met en scène Jean le visionnaire-écrivain, et il est intéressant de suivre dans l’ensemble du livre les figures de l’écriture comme procès et comme ‘livre’, et de réfléchir, à partir de cette mise en écrit sur le statut de visions.
« Je suis l’alpha et l’oméga ». L’Apocalypse à la lettre – Jean Calloud
Jean CALLOUD (CADIR-Lyon) développe dans cet article les implications sémiotiques de la première déclaration où Je suis, s’énonce et s’identifie. La déclaration d’«identité signifiante », « Je suis l’alpha et l’oméga », installe d’entrée de jeu dans le champ apocalyptique une chaîne strictement signifiante qui vient interférer avec le système des signes qui servent aux sujets parlants que nous sommes pour se dire et pour dire les choses. Le champ apocalyptique est donc d’emblée sémiotique : il confronte des formations sémiologiques, des « discours », avec les troupes d’anges brandissant le glaive de la parole, chaîne signifiante insistante et incisive. Il fait se confronter et s’affronter l’univers de la représentation ou de la performance discursive d’une part et le tranchant du signifiant imprévisible. L’Apocalypse se révèle alors comme livre de la création. L’auteur montre comment nous retrouvons là une structure connue selon laquelle les écritures premières s’accomplissent non dans la complétude signifiante mais dans un corps qui advient au lieu même du dernier signifiant. Ainsi le livre scellé pourrait-il être, en langage apocalyptique, le
propos secret d’incarnation du Verbe.
Les deux Bêtes et l’Agneau égorgé. Apocalypse 13 – Jean-Pierre Duplantier
Jean-Pierre DUPLANTIER (CADIR-AQUITAINE) propose une lecture du ch. 13 de l’Apocalypse. Quel lien figuratif fait tenir ensemble dans le discours de l’Ap les deux bêtes et l’agneau égorgé ? Pour répondre à cette question, il convient de reprendre dans l’ensemble du corpus biblique le fil de certains parcours et de certaines configurations organisant l’espace, le temps et les acteurs. Mais pour ce qui est du signe de l'égorgement, il peut désigner – comme marque pour la sanction - la nature d’un affrontement : de même que la Bête appartient au signe du Dragon et en déploie l'une de ses dimensions, de même tous ceux dont le nom est écrit, depuis la fondation du monde, dans le livre de Vie de l’Agneau (Apoc., 13,8) appartiennent au signe présent auprès du trône de Dieu, à savoir l'agneau debout et égorgé. L’agneau devant Dieu n'est pas le Christ, au sens du moins où le Christ « n'est pas un petit mouton ». L'agneau est d'abord un représentant dans l’espace du trône de celui qui a, et lui seul, compétence pour ouvrir le livre. À la fin, il sera l’époux de l'épouse dans le nouveau ciel et la nouvelle terre. Cette sorte de signifiant pose comme une borne au-delà de la porte du ciel, à la fois décisive et inaccessible, représentant l'entrée sur la terre de ce que nous appelons la parole, ou logos, cette fois-ci non plus dans des Ecritures, mais dans un corps. L’analyse de figures détermine un ressort nouveau à la lecture de l’Apocalypse. Auprès de Dieu et de son trône, l'agneau debout comme égorgé n'est pas une référence à l'acte historique de la crucifixion de Jésus- Christ, mais la représentation des deux points insaisissables qui maintiennent vivante et désirante la chaîne signifiante qui tourmente l’homme, tout au long de son passage par-dessus la vie : la vie qu’il croit connaître et celle de fils de Dieu qui lui vient.