La Chaire UNESCO "Mémoire, cultures et interculturalité" de l'UCLy organise une conférence publique dans le cadre du Cycle de conférences : « Mémoire et Marche du Monde » et à l’occasion de la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition » (Edition 2022)
Lieu : Campus Saint-Paul- 10 place des Archives, 69002 Lyon - Amphithéâtre A. Mérieux - A027
Horaires : 18h-20h
Conférencier
Argument général et vocation de la conférence
« Une vision qui ne s’accompagne pas d’action n’est qu’un rêve. Une action qui ne découle pas d’une vision n’est que du temps perdu. Une vision suivie d’action peut changer le monde ».
Nelson R. Mandela (1918-2013), Avocat
Président de la République d’Afrique du Sud (1994-1999)
Prix Nobel de la Paix 1993
Trois événements majeurs, qui sont toujours d’actualité, auront d’ores et déjà marqué l’histoire au cours de ces trois dernières années, à savoir :
- La crise sanitaire liée à la propagation de la pandémie du Covid-19, avec un impact planétaire qui a mis à nu les fragilités de toutes les sociétés, les riches comme les pauvres, les développées ou celles en voie de développement ;
- Le meurtre inqualifiable de George Floyd, survenu aux Etats-Unis le 25 mai 2020 en pleine crise de Covid-19, a suscité une indignation mondiale et des questions jusque-là occultées dans de nombreuses sociétés. Cette indignation planétaire a permis de relancer un débat de fond, axé sur la sempiternelle problématique du vivre ensemble tant à l’échelle nationale que mondiale, les nombreux contentieux mémoriels liés aux crimes du passé et à la question spécifique de la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, etc. ;
- La crise internationale actuelle, liée à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, met en exergue les profondes divergences et les antagonistes ancestraux qui ont toujours traversé le monde. Si cette énième crise internationale n’est pas différente de celles que connaissent de nombreuses autres sociétés à travers le monde, avec généralement des conséquences tout aussi graves, voire pire, elle a néanmoins la particularité de montrer à la face du monde entier que la Guerre froide était loin d’être terminée et qu’elle était en réalité simplement suspendue.
Il est presque superfétatoire et logorrhéique de dire que ces trois événements, qui marqueront longtemps encore les sociétés en raison de l’importance des défis qu’ils ont révélés, annoncent une nouvelle ère et des bouleversements auxquels il faudra faire face avec une intelligence collective et des réflexions plus inclusives.
Pour jeter les bases d’une société nouvelle, démocratique, égalitaire et sécurisante pour tous après des décennies de crimes d’apartheid, Nelson Mandela et Desmond Tutu ont eu la clairvoyance de recourir au fameux principe humaniste d’Ubuntu, tiré de la tradition ancestrale africaine, pour restaurer la dignité et l’humanité de tous, les victimes comme les bourreaux. Dans son ouvrage intitulé Il n’y a pas d’avenir sans pardon (Albin Michel, Paris, 2000), Desmond Tutu rappelle qu’entre les solutions punitives et les lois d’amnistie générale, qualifiées d’ailleurs d’« amnésie générale », l’option restauratrice était la plus adéquate car elle allie à la fois les exigences de justice, de responsabilité, de stabilité, de paix et de réconciliation.
En effet, le principe d’Ubuntu exprime le fait de se montrer humain envers autrui : « Mon humanité est liée inextricablement à la vôtre » et « nous appartenons au même faisceau de vies ». Desmond Tutu précise : « Un être humain n’existe qu’en fonction des autres êtres humains », ce qui est assez différent de la vision cartésienne selon laquelle « je pense donc je suis ». Fondamentalement, cela signifie plutôt que « je suis humain parce que je fais partie, je participe, je partage ». Car la relation aux autres est ce qui permet à chacun de faire en permanence l’apprentissage de sa propre humanité…
A la fin de l’apartheid, il n’était question ni de vainqueurs ni de vaincus mais de dignité et de valeur de la personne humaine, par la réhabilitation de l’humanité de tous. Comment faire humanité ensemble, comment restaurer le principe même du vivre ensemble après des expériences dramatiques, à l’instar de ce qui s’est passé en Afrique du Sud entre 1948 et 1994, au Rwanda en 1994 ou ici en Europe entre 1939 et 1945 ? Comment préserver notre commune humanité et faire face ensemble aux défis actuels et futurs qui sont non seulement nombreux mais de grande envergure ?
Le principe humaniste d’Ubuntu, qui invite à faire humanité ensemble et que l’on peut décliner sous différentes modalités pratiques, peut-il offrir des possibilités pour relever les nombreux défis du monde contemporain, y compris les conséquences de la crise multidimensionnelle actuelle liée aux événements susvisés et bien d’autres encore ?
La vocation de cette conférence publique de la Chaire Unesco, organisée dans le cadre du Cycle de conférences « Mémoire et Marche du Monde » et de la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition » (Edition 2022), est d’essayer d’apporter des éléments de réponse à ces différentes questions, au travers d’une démarche bien précise.
En savoir plus
Créée en 2007, cette Chaire a pour objectif principal d’engager une réflexion de fond sur les enjeux de l’interculturalité et en particulier sur la place et l’évolution des sociétés à l’heure de la mondialisation.
Les Droits de l’Homme passent parfois pour des évidences premières ou des vérités révélées, indiscutables pour ainsi dire ! Or on s’aperçoit bien vite que les droits de l’homme sont essentiellement fondés sur des présupposés anthropologiques divers qui sont avant tout des productions historiques liées à des contextes socioculturels. Comment penser alors les droits de l’homme, notamment dans leurs prétentions à l’universalité ?