Dans le cadre du Cycle de conférences « Mémoire et Marche du Monde » (2è Édition) et de la Décennie Nelson Mandela pour la Paix (2019-2028), instituée par les Nations Unies, la Chaire Unesco de l'UCLy organise une conférence publique sur le thème :
L'Afrique face à la justice pénale internationale : entre engagements et récusations
Informations pratiques :
Jeudi 1er juin 2023 (18h-20h)
Amphi Mérieux A025
Université catholique de Lyon / Campus Saint-Paul
10, Place des Archives
Lyon 2è
Conférencier
Argumentaire général
Il n’est pas exagéré de dire que la justice pénale internationale, et plus spécifiquement la Cour pénale internationale (Cpi), fait l’objet d’un véritable procès qui a pris une certaine tournure en 2016 avec le dépôt des instruments de dénonciation du Statut de Rome par trois États africains, à savoir : le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie. Certains médias se sont d’ailleurs fait le malin plaisir de qualifier ces démarches de retrait des États africains d’« Afrexit », en faisant ainsi allusion au « Brexit », relativement au retrait de la Grande-Bretagne du traité de l’Union européenne. Même-si, finalement, seul le Burundi aura effectivement quitté la Cour pénale de La Haye le 27 octobre 2017, à l’issue de la période réglementaire prévue par l’article 127, alinéa 1er (« Retrait ») du Statut, cette protestation des États africains semble avoir laissé des traces indélébiles dans l’histoire de la Cour pénale internationale...
A ce conflit entre les États africains et la Cpi, viennent s’ajouter les charges récurrentes de certains États qui, usant de leur position dominante sur la scène internationale, n’ont pas hésité à user parfois de différentes menaces à l’encontre des autorités de cette juridiction, née pourtant de la volonté de la composante majoritaire de la Communauté internationale en vue de sanctionner universellement les crimes qui heurtent la conscience de l’humanité. Ces attaques répétées représentent à n’en point douter une menace réelle au bon fonctionnement et à l’efficacité de cette jeune juridiction pénale internationale qui a suscité tant d’espoir (et continue, malgré tout, d’en susciter encore et fort légitimement d’ailleurs !), notamment chez les victimes des crimes les plus graves, commis à travers le monde. Cette institution pénale internationale suscite également beaucoup d’espoir chez de nombreuses organisations de la société civile qui luttent contre l’impunité dans le monde, au rang desquelles se trouvent également les Organisations non-gouvernementales (Ong) africaines.
Comment expliquer cette crise et cette tension récurrentes quand on sait que les États africains ont dès le départ fait preuve d’un réel engagement en faveur de la Cpi, en adhérant massivement et généralement sans conditions au Statut de Rome de 1998, rendant ainsi possible l’émergence et la mise en œuvre effective de cette juridiction ? En effet, s’il n’y a plus de doute quant à l’existence d’un contentieux bien réel (déclaré ou non) entre le continent africain et la Cpi, quels en sont véritablement les paramètres explicatifs ainsi que les principaux enjeux ?
S’agirait-il d’une tension purement conjoncturelle, invitant à des améliorations et autres ajustements nécessaires, ou plutôt d’une crise plus profonde qui pourrait affecter, in fine, la crédibilité et l’existence même de cette juridiction dont la création en 2002 est considérée, à juste titre d’ailleurs, comme l’une des plus grandes avancées du droit international depuis l’avènement des Nations Unies en 1945 ?
Que doit faire la Communauté internationale pour mettre un terme à une telle crise, qui reste latente, afin de restaurer la confiance et d’éviter ainsi le retrait toujours possible d’autres Etats (d’Afrique ou d’autres régions du monde) du Statut de Rome ? Que faire pour redonner à cette juridiction internationale les moyens nécessaires à même de lui permettre d’accomplir, efficacement et durablement, sa mission qui consiste entre autres à raisonner la raison d’Etat ?
La vocation de cette conférence, qui s’inscrit dans le cadre du Cycle de conférences « Mémoire et Marche du Monde » (2è Édition), est de proposer une meilleure appropriation de ces différentes questions et des principaux enjeux y relatifs. Aussi, la démarche se situe-t-elle à un double niveau :
- D’abord, il est important de mettre l’accent sur l’engagement indiscutable des États africains qui représentent à ce jour 33 des 123 Etats membres du Statut de Rome précité. Il importe ensuite d’élucider également cette crise, notamment au travers de ses causes réelles ou apparentes, des arguments à charge qu’il faudra évaluer dans leur pertinence même et dans leurs fondements juridiques. Il sied, enfin, de mesurer les conséquences qui découlent (ou qui pourraient découler) de cette crise qui, bien qu’ayant baissé d’intensité, demeure latente (I) ;
- En traitant des conséquences possibles de cette crise, il serait opportun de proposer par la même occasion quelques hypothèses de réflexion, tenant lieu de stratégies de sortie de crise et d’actions concrètes, afin de permettre à la Cour internationale de La Haye de continuer d’accomplir convenablement et efficacement ses missions sur le continent africain certes, mais également dans le reste du monde (II).
De tout ce qui précède, et tenant dûment compte de sa trajectoire historique spécifique, jalonnée de nombreux crimes contre l’humanité depuis plusieurs siècles, il sera surtout question de démontrer in fine, preuves à l’appui, que l’Afrique est sans doute l’une des régions du monde les mieux placées pour continuer d’œuvrer sans relâche au développement de la justice pénale internationale, dont la Cpi est l’une des déclinaisons les plus avancées…