Argument
Dans le champ du soin psychique en institution et de la formation en psychologie clinique, la pratique de la co-animation de groupes à médiation ou de dispositifs individuels à médiation est très répandue. Que cela soit entre professionnels de même métier, unis autour de modèles ou de techniques choisis pour leur pertinence dans le champ clinique considéré, ou entre professionnels de plusieurs disciplines, créant alors la nécessité d’un métissage théorique et méthodologique autour de l’objet ou du dispositif de médiation élu comme « offrande » aux processus de symbolisation et de transformation du sujet (Roussillon R., 2011). Ce maillage théorico-clinique et éthique que véhicule le lien inter-disciplinaire est ainsi un opérateur dans la création d’une posture transdisciplinaire de rencontre de l’étranger en soi et en l’autre (Dobrzynski A. C., Ciccone A., 2017).
Toutes ces pratiques, diversifiées et hétérogènes dans leur but, leur moyen, leur dispositif, réunissent donc toujours entre deux et trois co-animateurs autour d’un projet concernant un ou plusieurs sujets en souffrance psychique.
Dès les prémices de ce projet, des modalités intertransférentielles vont émerger aussitôt entre elles, venant établir un premier pré-contre-transfert fondateur, générateur de lien et d’investissements ambivalents, parfois ambiguës (Benghozi P., 2006). Ce pré-contre-transfert des professionnels prend sa source dans des résonnances psychiques institutionnelles, dans un investissement de la médiation et dans une écoute des patients auxquels le dispositif s’adresse.
Autant les potentialités symboligènes sont aujourd’hui bien connues, au travers de l’étude des processus psychiques de médiation (Chouvier B., Brun A., Roussillon R., 2013) que de l’utilisation des dispositifs groupaux de médiation (Kaës R., Laurent P., 2009), mais qu’en est-il des modalités d’analyse de l’intertransfert, des enjeux intertransférentiels dans cette dyade ou cette triade soignante constituée autour d’un groupe de sujets et d’une proposition de médiation ? Qu’est-ce que le choix de l’objet de médiation dans son rapport d’investissement de chacun des co-animateurs joue dans l’intertransfert ? quelle place psychique les co-animateurs peuvent prendre les uns par rapport aux autres et au regard du groupe ?
Dans un cadre politique ou social où la référence analytique des pratiques cliniques, même les plus courantes, est remise en question, où les modalités d’analyse de la pratique ou de supervision sont souvent attaquées ou ramenées à sa portion congrue, comment donner encore une place à la compréhension de ce qui se méconnait et se vit dans la rencontre clinique entre co-thérapeutes ?
Le concept d’intertransfert et la notion d’analyse intertransférentielle ont été proposés par René Kaës (Kaës R., 1976a, 1976b, 1982) afin de saisir un écueil du dispositif analysant quand celui-ci est conduit par deux ou plusieurs professionnels. L’intertransfert est composé des transferts mutuels des co-animateurs qui émergent dans le champ transféro-contre-transférentiel en situation groupale de formation ou thérapeutique.
L’analyse intertransférentielle se constitue comme un type d’analyse et d’élaboration des résistances et modalités d’identificatoires telles qu’elles se déploient et se mettent au travail dès lors que le dispositif est co-animé par un couple ou une équipe de psychanalystes. Résistances et émergences fantasmatiques qui s’expriment tout particulièrement dans les alliances inconscientes et les formations narcissiques et idéales communes.
Au cours de cette journée d’étude, nous travaillerons à partir de cette notion fondamentale d’intertransfert qui, au sein du champ transféro-contre-transférentiel peut laisser transiter des éléments les plus élaborés jusqu’aux éléments les plus archaïques, les plus symbiotiques (Bleger J., 1967, 1987) de la psyché.
Ces éléments psychiques archaïques viennent nous donner à entendre et à vivre dans l’inter-transfert les modalités de lien les plus précoces de la vie psychique et leurs enjeux, parfois de survie psychique, d’autres fois d’attribution, qui rendent si urgent de restaurer les capacités de jouer et de symboliser.
Chaque clinique et problématiques psychopathologiques de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte, vont « colorer » de manière singulière les enjeux intertransférentiels rencontrés. Chaque médiation, chaque dispositif, dans sa manière de « fonctionner » ou de « dysfonctionner » va permettre ou non la « traduction » des éprouvés « rencontrés », « méconnus » ou « reconnus aux interfaces de travail entre les co-thérapeutes.
Comment se retrouver dans tout autant de « cas singuliers » de l’intertransfert qui ne semblerait pouvoir s’analyser qu’au moyen d’un espace hebdomadaire de reprise et d’élaboration supervisée ?
À la manière de ce que Bion a pu développer en considérant les configurations de mentalité groupale que l’on peut repérer dans les ensembles trans-subjectifs, pourrions-nous repérer des configurations des enjeux intertransférentiels tant qu’ils favoriseraient ou obéreraient le dépassement de la répétition et des résistances chez un sujet ou des sujets rencontrés autour de l’expérience de médiation ou/et de co-création?
Programme
9h00 : Introduction Brigitte Blanquet, professeur de psychologie UCLy, psychologue clinicienne
Fils rouge journée : Aurélie Maurin, professeur de psychologie Université Lyon 2, psychologue clinicienne
MATINÉE
Présidente de séance Magali Ravit, professeur de psychologie Université Lyon 2, directrice du CRPPC, psychologue clinicienne
Discutante : Lila Mitsopoulou, Maître de conférences – HDR Université Lyon 2, psychologue clinicienne
9h30 : Marie-Laure Bonnefoy, infirmière en psychiatrie, Jean-Christophe Godefroy, plasticien et Christine Melato, Maître de conférences UCLy, psychologue clinicienne
« Pré-contre-transfert, inter-transfert et transdisciplinarité dans l’atelier Mot et image en hospitalisation complète pour adultes »
10h30 : pause
10h45 : Christiane Duez, psychologue clinicienne, psychanalyste, psychodramatiste et Bernard Duez, professeur émérite Université Lyon 2, psychanalyste, psychodramatiste
« Co-animation en formation adultes »
11h45 : discussion avec la salle
12h00 à 13h30 : déjeuner
APRÈS-MIDI
Président de séance Patrick-Ange Raoult, professeur de psychologie-HDR, UCLy, psychologue clinicien
Discutant : Raphaël Riand, Maître de conférences Université Lyon 2, psychologue clinicien
13h30 : Yannick Milleur, Docteur en psychologie clinique, psychologue clinicien
"« Au Psychodrame, on peut tout représenter ! » : limites et potentialités de l’inter-transfert."
14h30 : pause
14h45 : Eric Jacquet, Maître de conférences Université Lyon 2, psychologue clinicien,
« Épreuve du cadre et intertransfert dans le groupe d’enfants autistes et psychotiques »
15h45 : discussion avec la salle
16h00 à 16h30 : bilan fil rouge par Aurélie Maurin
INFORMATIONS PRATIQUES
Tarifs et inscriptions :
- 40 euros : inscription par une institution - S’inscrire
- 20 euros : inscription à titre individuel - S’inscrire
- 10 euros : inscription étudiant hors UCLy - S’inscrire
- Gratuit : étudiants et enseignants UCLy - S’inscrire
Lieu
Campus Carnot
23 place Carnot - 69002 Lyon
Amphi K201