ENTRE AGIR ET PÂTIR : résumés et abstracts

Sommaire

Dossier thématique

Introduction Le travail : entre agir et pâtir
Emmanuel D’HOMBRES & Riccardo REZZESI

L’économie au risque du réalisme. Entretien avec Pierre-Yves Gomez
Pierre-Yves GOMEZ & Emmanuel d’HOMBRES & Riccardo REZZESI

Le travail, une épreuve au service de la communion fraternelle, selon Jean Calvin
Caroline BAUER

Entre aliénation et alliance entre les hommes : le travail, « philosophie première » ?
Emmanuel GABELLIERI

Le travail comme communion : management et entreprise à orientation sociale
Giuseppe ARGIOLAS

Que convient-il de faire ? Notes de réflexions entre éthique et économie
Massimiliano MARIANELLI

Culture et civilisation comme réponse à la crise du sens du travail : de l’humanisme d’Adriano Olivetti à sa postérité
Serena MEATTINI

Droit au travail : liberté fondamentale d’agir en conditions décentes pour s’émanciper du risque pâtissant
Didier PRINCE-AGBODJAN

Quand travailler rend éco-anxieux
Pierre-Éric SUTTER & Loïc STEFFAN & Dylan MICHOT

Varia

The Regulation of Plurality in Mauritian Hinduism: History, actors, and practices
Mathieu CLAVEYROLAS

Le théologico-politique. Genèse et constitution d’un problème
Émilie TARDIVEL

DOSSIER THEMATIQUE :

Introduction
Le travail : entre agir et pâtir

Emmanuel d'HOMBRES
UR CONFLUENCE : Sciences et Humanités [EA 1598], UCLy, Lyon, France

Riccardo REZZESI
UCLy, Lyon, France

Résumé :

Tout au long de l’histoire de la pensée, du fond de l’âge grec, depuis Hésiode et au-delà, comme dans la tradition biblique, nous retrouvons trace de l’ambivalence du travail, bipolarité inscrite au cœur même de l’expérience laborieuse. Le travail est une activité tantôt rangée du côté de l’action, voire de la création, dans
ce que ces registres contiennent d’éminemment positif pour l’être humain, tantôt du côté de l’infortune et de la nécessité, nous rappelant à notre finitude ; tantôt considérée comme une punition, une calamité, un malheur, accidentel ou principiel, tantôt comme un moyen de salut, de libération, d’accès à la sphère éthique et à la
reconnaissance, à la vie plénière de l’être. Par-delà leur diversité d’approche et de terrain, les études réunies dans ce numéro se retrouvent dans l’exigence d’honorer la bipolarité de l’agir et du pâtir qui caractérise la question (les questions) du travail. C’est à l’analyse de cette bipolarité, ou ambivalence, de l’expérience laborieuse que nous avons consacré cette introduction, en interrogeant, en même temps, la « place » (sens, valeur, réaffirmation ou perte de sa centralité) que le travail occupe dans nos sociétés.


Mots-clefs : TRAVAIL, AGIR, PÂTIR, AMBIVALENCE, HUMANISM

Abstract :

Throughout the history of thought, from the beginning of the Greek age, from Hesiod and beyond, as in the biblical tradition, we find traces of the ambivalence of work. A bipolarity inscribed at the very heart of laborious experience. Work is an activity sometimes placed on the side of action, even creation, in what these registers
contain that is eminently positive for the human being. Sometimes, it is placed on the side of misfortune and necessity, reminding us of our finitude. Sometimes considered as a punishment, a calamity, a misfortune, accidental or fundamental, sometimes as a means of salvation, of liberation, of access to the ethical sphere and
to recognition, to the full life of being. Beyond their diversity of approach and field, the studies brought together in this issue find themselves in the need to honor the bipolarity of acting and suffering that characterizes the question (questions) of work. We have devoted this introduction to the analysis of this bipolarity – or ambivalence
– of laborious experience, questioning, at the same time, the “place” (meaning, value, reaffirmation or loss of its centrality) that work occupies in our societies.


Keywords : WORK, ACTING, SUFFERING, AMBIVALENCE, HUMANIS

L’économie au risque du réalisme. Entretien avec Pierre-Yves Gomez

Emmanuel d'HOMBRES
UR CONFLUENCE : Sciences et Humanités [EA 1598], UCLy, Lyon, France

Riccardo REZZESI
UCLy, Lyon, France

Pierre-Yves GOMEZ

Résumé :

Alors que l’économie tient une place centrale dans nos représentations du « vivre ensemble », comment comprendre l’invisibilisation inexorable du travail réel, pourtant au coeur de l’économie matérielle ? Articulant un humanisme « réaliste » avec une rare rigueur analytique et un sens aigu de la narration, Pierre-Yves Gomez, économiste en quête d’interdisciplinarité et grand spécialiste du travail et de l’entreprise, nous aide dans cet entretien à décrypter les récits anthropologiques qui circulent aujourd’hui sur l’économie (de l’utilitarisme néolibéral au transhumanisme). Il nous livre quelques-uns des points d’ancrages de sa vaste réflexion économique : 1) son approche « évolutionniste » dans l’analyse historique des faits socioéconomiques ; 2) les sources et modèles qui ont contribué à la formation de son regard interdisciplinaire ; 3) un sens de la complexité du monde capable d’embrasser les interactions entre croyances, culture(s) et infrastructures économiques ; 4) le souci, enfin, de promouvoir une nouveau regard sur l’économie à partir de l’apport d’autres démarches intellectuelles : de la philosophie à la littérature. Un beau programme pour une belle rencontre.

Mots-clefs : SENS DU TRAVAIL, TRAVAIL INVISIBLE, TRAVAIL RÉEL, CAPITALISME SPÉCULATIF,
ÉCONOMIE FINANCIARISÉE, NOUVEL HUMANISME

Summary :

While the economy holds a central place in our representations of “living together”, how to understand the inexorable invisibilization of real work, yet at the heart of the material economy? Articulating a “realistic” humanism with a rare analytical rigor and a keen sense of narration, Pierre-Yves Gomez, an economist in
search of interdisciplinarity and a great specialist in work and business, helps us in this interview to decipher the anthropological stories that circulate today on the economy (from neoliberal utilitarianism to transhumanism). He gives us some of the anchor points of his vast economic reflection: 1) his “evolutionary” approach in the historical
analysis of socio-economic facts; 2) the sources and models that contributed to the formation of his interdisciplinary gaze; 3) a sense of the complexity of the world capable of embracing the interactions between beliefs, culture(s) and economic infrastructures; 4) the concern, finally, to promote a new look at the economy based on the contribution of other intellectual approaches: from philosophy to literature. A beautiful program for a beautiful meeting.

Keywords : SENSE OF WORK, INVISIBLE WORK, REAL WORK, SPECULATIVE CAPITALISM,
FINANCIALIZED ECONOMY, NEW HUMANISM


Le travail, une épreuve au service de la communion fraternelle, selon Jean Calvin

Caroline Bauer
Docteure en théologie protestante et en sciences économiques, chargée de cours à l’UCLy

Résumé :

« Car tous ceux que le Seigneur a adoptés et reçus en la compagnie de ses enfants, se doivent préparer à une vie dure, laborieuse, pleine de travail et d’infinis genres de maux », écrit le réformateur Jean Calvin (1509-1564) dans l’Institution de la Religion Chrétienne. Or le travail est aussi une nécessité de nature, dira-t-il par ailleurs, mais que le chrétien est appelé à transformer en possibilité de témoigner de la gloire de Dieu. En ce double sens, le travail est une épreuve dont Calvin va enrichir le sens très au-delà de la seule pénibilité des tâches. Dans cette compréhension, la vie entière se trouve engagée dans un processus de conversion qui concoure à rendre compte de la puissance créatrice d’un Dieu provident qui fournit à chacun les biens et les capacités selon ses besoins. Surmonter l’épreuve consiste à accepter une transformation de soi en vue de transformer la société en une communion fraternelle. Cette contribution cherche à éclairer la part calvinienne de ce que Max Weber a qualifié, parlant d’un protestantisme plus tardif, d’ascétisme intramondain. Mais en replaçant cette épreuve qu’est le travail dans la visée d’une société solidaire et reconnaissante, elle ouvre peut-être aussi des possibilités de sens pour une compréhension renouvelée du travail aujourd’hui.

Disciplines : Théologie protestante
Mots-clefs : Théologie protestante, Travail, Sanctification, Jean Calvin, Éthique

Abstract :

“Those whom the Lord has chosen and honoured with his intercourse must prepare for a hard, laborious, troubled life, a life full of many and various kinds of evils”, wrote the reformer John Calvin (1509-1564). Work is firstly a necessity of nature according to him, but the Christian has to transform it into an opportunity to witness to God's goodness. In this sense, work is an ordeal whose meaning Calvin will enrich beyond the mere arduousness of the tasks. Through sanctification, work is engaged in a process of conversion so that the providential God who provides each person with goods and abilities according to his or her needs may be recognized. The overcoming of the ordeal consists in accepting a transformation of oneself in order to transform society into a fraternal communion. This contribution seeks to shed light on the Calvinian part of what Max Weber, writing about a later Protestantism, has called inner-worldly asceticism. But it may also open up possibilities for a renewed understanding of work today.

Keywords: Protestant Theology, Work, Sanctification, John Calvin, Ethics

Entre aliénation et alliance entre les hommes : le travail, « philosophie première » ?

Emmanuel GABELLIERI
UR CONFLUENCE : Sciences et Humanités [EA 1598], UCLy, Lyon, France

Résumé :

Des Grecs à H. Arendt, le travail est vu comme une soumission aliénante à la nécessité, naturelle ou sociale. Mais ce n’est vrai, pour S. Weil, que si le travail, paradoxalement, est nié dans sa vérité, laquelle consiste en un acte de révélation de la réalité du monde, du pouvoir créateur du sujet, et de la coopération entre les
hommes. Interdisant de le réduire à un ensemble de moyens opposés aux fins, ceci permet alors d’intégrer le travail à ce que les Anciens nommaient la « philosophie première ». De l’anthropologie du don aux « critical studies » en management, cette perspective rejoint bien des dimensions de la réflexion contemporaine en ergonomie, économie et sciences sociales. Sortant des oppositions entre « privé » et « public » ou
« travail » et « action », elle rend attentif aux multiples actions et stratégies actuelles de co-construction du bien commun reposant souvent sur les partenariats entre les entreprises et leurs territoires.

Mots-clefs : TRAVAIL, PHILOSOPHIE PREMIÈRE, ANTHROPOLOGIE DU DON, COOPÉRATION, ALLIANCE,
ENTREPRENEURIAT SOCIAL

Abstract :

From the Greeks to H. Arendt, work is seen as an alienating submission to necessity, natural or social. But this is true, for S. Weil, only if work, paradoxically, is denied in its truth, which consists in an act of revelation of the reality of the world, of the creative power of the subject, and of cooperation between men. This prohibits its reduction to a set of means opposed to ends, and thus makes it possible to integrate work into what the ancients called “primary philosophy”. From the anthropology of the gift to “critical studies” in management, this perspective links up with many dimensions of contemporary thinking in ergonomics, economics and social sciences. It breaks away from the opposition between “private” and “public” or “work” and “action”, and pays attention to the many current actions and strategies for the co-construction of the common good, often based on partnerships between
companies and their territories.

Keywords : WORK, PRIMARY PHILOSOPHY, ANTHROPOLOGY OF GIVING, COOPERATION, ALLIANCE,
SOCIAL ENTREPRENEURSHIP

Le travail comme communion : management et entreprise à orientation sociale

Giuseppe ARGIOLAS
Traduit de l’italien par Fabio ARMAND

Résumé :

Le phénomène de la responsabilité sociale des entreprises, dans un contexte de plus en plus caractérisé par la primauté du facteur connaissance, amène à attribuer une importance croissante aux entreprises à vocation sociale. La place, ou plutôt la centralité, attribuée à la personne et à la qualité des relations qui sont mises en jeu au sein de l’entreprise et dans les relations qu’elle tisse avec le contexte environnemental dans une perspective socialement responsable, définit ce qui qualifie fondamentalement l’orientation sociale de l’entreprise. Dans cette
contribution, nous nous interrogeons sur la manière dont, dans de telles entreprises, il est possible de concevoir, dans une perspective managériale, le travail comme communion.

Mots-clefs : RESPONSABILITÉ SOCIALE DE L’ENTREPRISE, ORIENTATION SOCIALE DE L’ENTREPRISE,
COMMUNION, CONNAISSANCE, RELATIONS

Abstract :

The phenomenon of Corporate Social Responsibility, in a context, which is increasingly characterized by the primacy of the knowledge factor, contributes to the growing importance of socially oriented enterprises. The relevance, indeed, the centrality attributed to the person and to the quality of the relationships that are built
within the enterprise and interwoven with the environmental context in a socially responsible perspective, defines what substantially qualifies the social orientation of the enterprise. In this contribution, we ask how in such enterprises it is possible to see, from a managerial perspective, work as communion.

Keywords: CORPORATE SOCIAL RESPONSIBILITY, CORPORATE SOCIAL ORIENTATION, COMMUNION,
KNOWLEDGE, RELATIONSHIPS

Abstract :

Il fenomeno della responsabilità sociale dell’impresa, in un contesto sempre più caratterizzato dal primato del fattore conoscenza, contribuisce ad attribuire crescente importanza alle imprese socialmente orientate. La rilevanza, anzi, la centralità attribuita alla persona e alla qualità delle relazioni che si attivano all’interno dell’impresa e nei rapporti che essa intesse con il contesto ambientale in prospettiva socialmente responsabile, definisce ciò che qualifica in modo sostanziale l’orientamento sociale dell’impresa. Nel presente contributo ci si interroga su come in tali imprese sia possibile interpretare, da una prospettiva manageriale, il lavoro come comunione.

Parole chiave : RESPONSABILITÀ SOCIALE DELL’IMPRESA, ORIENTAMENTO SOCIALE DELL’IMPRESA,
COMUNIONE, CONOSCENZA, RELAZIONI

Que convient-il de faire ? Notes de réflexion entre éthique et économie

Massimiliano MARIANELLI
Traduit de l’italien par Fabio ARMAND

Résumé :

Ces notes proposent une lecture « critique » des mutations économiques actuelles afin de promouvoir une culture de l'innovation oeuvrant à l’épanouissement de la Personne dans toutes ses dimensions. L’auteur défend une vision relationnelle et sociale de l’économie, à l’encontre de sa réduction moderne à une science de
l’égoïsme ou de l’isolement, signe d’une séparation entre économie, éthique et politique. Dans cette perspective, il promeut un renouvellement du savoir économique à partir du dialogue avec la philosophie, nous invitant à sonder tant la conception weilienne du progrès que la dynamique de réciprocité authentique défendue par
l’économie civile italienne. Dans le sillage d’Adriano Olivetti, l’auteur inscrit ainsi ses réflexions au coeur d’un humanisme de l’« entre », une ontologie de la relation qui dépasse tout dualisme, soulignant la non-opposition, voire l’interaction entre travail, liberté et épanouissement personnel.

Mots-clefs : PERSONNE, PHILOSOPHIE DU TRAVAIL, ÉCONOMIE CIVILE, SIMONE WEIL, HUMANISME
DE L’« ENTRE », ADRIANO OLIVETTI

Abstract :

These notes offer a “critical” reading of current economic changes in order to promote a culture of innovation working for the development of the Person in all its dimensions. The author defends a relational and social vision of the economy, against its modern reduction to a science of selfishness or isolation, a sign of a separation between economics, ethics and politics. In this perspective, he promotes a renewal of economic knowledge based on dialogue with philosophy, inviting us to probe both the Weilian conception of progress and the dynamics of authentic reciprocity defended by the Italian Civil Economy. In the wake of Adriano Olivetti, the
author thus inscribes his reflections at the heart of a humanism of the “between”, which is an ontology of the relationship that goes beyond any dualism, emphasizing the non-opposition, even the interaction between work , liberty and personal fulfillment.

Keywords : THE INDIVIDUAL, WORK PHILOSOPHY, CIVIL ECONOMY, SIMONE WEIL, HUMANISM OF
‘THE BETWEEN’, ADRIANO OLIVETTI

Culture et civilisation comme réponse à la crise du sens du travail : de l’humanisme d’Adriano Olivetti à sa postérité

Serena MEATTINI

Résumé :

Cette contribution invite à considérer la culture et la civilisation comme réponse à la crise contemporaine du sens du travail, en attirant l’attention sur certaines expériences entrepreneuriales contemporaines. A partir de l’analyse de l’humanisme de Adriano Olivetti, en tant qu’exemple d’interaction profonde entre le travail, la culture et la civilisation, on essaye d’y souligner l’anticipation de certaines importantes questions relatives au rapport entre éthique et entreprise aujourd’hui. Deuxièmement, l’analyse se concentre sur la relation entre le monde de l’art et celui de l’entreprise, en particulier sur les interventions artistiques dans l’entreprise, afin de valoriser l’impact éthique possible, en avançant l’hypothèse qu’on puisse parler d’une « possible postérité » de l’expérience entrepreneuriale mise en oeuvre par Adriano Olivetti.

Mots-clés : ADRIANO OLIVETTI, TRAVAIL, INTERVENTIONS ARTISTIQUES, ÉTHIQUE

Abstract :

This paper invites us to consider culture and civilization as a response to the contemporary crisis of the sense of work, drawing attention to certain contemporary entrepreneurial experiences. Starting from the analysis of Adriano Olivetti’s humanism, as an example of the profound interaction between work, culture and civilization, we seek to highlight the anticipation of some important questions relating to the relationship between ethics and business today. Second, the analysis focuses on the relationship between the world of art and that of the
company, in particular on artistic interventions in the company, in order to value the possible ethical impact, by advancing the hypothesis that we can speak of a "possible posterity" Adriano Olivetti’s entrepreneurial experience.

Keywords : ADRIANO OLIVETTI, WORK, ARTISTIC INTERVENTIONS, ETHICS

Droit au travail : liberté fondamentale d’agir en conditions décentes pour s’émanciper du risque pâtissant

Didier PRINCE-AGBODJAN

Résumé :

Le droit au travail, liberté fondamentale et faculté de s’engager dans un contrat de travail encastrant les relations socioéconomiques entre travailleurs dans des conditions respectueuses de la dignité humaine, devrait être vecteur d’émancipation individuelle et sociale de la personne du travailleur, évitant le risque pâtissant. L’État moderne, partie prenante du rapport de force entre le groupe patronal et le groupe syndical, définit le droit du travail comme un espace commun de conciliation dynamique entre la liberté d’entreprendre et le droit à des conditions dignes de travail. Toutefois, le droit fondamental à un emploi, voie royale du « travailler » et de la réalisation de sa vie, semble consacré dans une vision réductrice de « devoir-droit » de travailler qu’il convient de dépasser pour l’émancipation individuelle et sociale. Selon les indicateurs de la Charte internationale des droits de l’Homme et des Normes internationales du travail, le premier principe juridique fondamental pour éviter le risque pâtissant du travail, est la liberté de choisir son travail dans un large spectre sociétal d’activités plurielles, reconnues, promues et protégées. Le second principe juridique fondamental qui permet de juguler le risque de pâtir du travail est de travailler dans des conditions humaines, « dignes », « décentes », « justes et favorables ».

Mots-clés : LIBERTÉ, DROIT AU TRAVAIL, DROIT DU TRAVAIL, RISQUE PÂTISSANT, ÉMANCIPATION

Abstract :

The fundamental right to work, as right to freely chosen and accepted work and also right to just and favourable conditions of work, should lead to individual and social emancipation of workers, avoiding the pathogenic risk of working,particularly by giving the opportunity to everyone to work freely in socioeconomic relations respectful of human dignity. Modern States, as stakeholder in the balance of power between trade unions and employers' organisations, adopt labor laws as a common area of dynamic interaction between freedom of enterprise and right to decent working conditions. However, the legal right to a job, the fulfillment of one's life, seems adopted often in a narrow focus of “duty-right” to work, what should be exceeded in order to ensure individual and social emancipation. Hence, according to the International Bill of Human Rights and International labor standards’indicators, the effective exercise of freedom to work should be the first step in order to prevent pathogenic risks of work, across a broad and open spectrum of recognized, promoted and protected labour and working perspectives. The second fundamental legal principle which can help curb the risk of suffering at work is the right to the enjoyment of human, “decent” or “just and favourable” conditions of work.

Keywords: FREEDOM, RIGHT TO WORK, RIGHT AT WORK, PATHOGENIC RISK, EMANCIPATION

Quand travailler rend éco-anxieux

Pierre-Éric SUTTER, Loïc STEFFAN et Dylan MICHOT

Résumé :

Les entreprises, en grande partie responsables du dérèglement climatique du fait de leurs activités thermo-industrielles et de leurs externalités négatives, provoquent un refus d’agir, voire du pâtir pour certains de leurs salariés, jusqu’à les rendre éco-anxieux. À quoi bon travailler pour un employeur qui pollue la planète et détruit le vivant ? L’éco-anxiété n’est ni une maladie ni une malédiction. Elle se dépasse par l’action, dès lors que l’éco-anxieux passe d’une peur qui l’immobilise à une peur qui le mobilise, grâce à un travail sur soi adéquat. Pour ce faire, il convient au préalable de diagnostiquer l’éco-anxiété avec un outillage ad hoc. C’est ce que propose la version française validée de l’échelle d’éco-anxiété de Hogg (EEAH). Une comparaison des scores à l’EEAH d’un échantillon de 1 600 répondants avec 27 écoanxieux en psychothérapie montre les caractéristiques de l’éco-anxiété en France, et bouscule l’idée reçue que les jeunes seraient majoritairement éco-anxieux.

Mots-clés : ÉCO-ANXIÉTÉ, ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, RESPONSABILITÉ SOCIALE D’ENTREPRISE,
SENS AU TRAVAIL, AGENTIVITÉ.

Abstract:

Companies, largely responsible for climate change because of their thermo-industrial activities and their negative externalities, can induce a refusal to act or even to suffer for some of their employees, until they become eco-anxious. What is the point of working for an employer who pollutes the planet or destroys life? Eco-anxiety is neither a disease nor a curse. It can be overcome through action, as soon as the eco-anxious person moves from a fear that immobilizes them to a fear that mobilizes them, thanks to adequate self-work. But to get there, it is necessary to diagnose eco-anxiety with an appropriate tool. This is what the validated French version of the Hogg Eco-Anxiety Scale (EEAH) proposes. A comparison of the EEAH scores of a 1,600 respondents sample with 27 eco-anxious people in psychotherapy shows the characteristics of eco-anxiety in France, and challenges the conventional wisdom that young people are predominantly eco-anxious.

Keywords: ECOANXIETY, ENVIRONMENTAL ISSUES, CORPORATE SOCIAL RESPONSIBILITY,
MEANINGFUL WORK, AGENTIVITY

Resumen:

Las empresas, responsables en gran medida del cambio climático por sus actividades termoindustriales y sus externalidades negativas, pueden provocar en algunos de sus empleados un rechazo a actuar, o incluso a sufrir, hasta el punto de convertirlos en eco-ansiosos. ¿Qué sentido tiene trabajar para un empresario que
contamina el planeta o destruye la vida? La eco-ansiedad no es una enfermedad ni una maldición. Se puede superar mediante la acción, en cuanto la persona ecoansiosa pasa de un miedo que la inmoviliza a un miedo que la moviliza, gracias a un trabajo apropiado sobre si. Pero para llegar a ello, es necesario diagnosticar la
eco-ansiedad con las herramientas adecuadas. Esto es lo que propone la versión francesa validada de la Escala de Eco-Ansiedad de Hogg (EEAH). La comparación de las puntuaciones de la EEAH de una muestra de 1.600 encuestados con 27 personas eco-ansiosas en psicoterapia muestra las características de la eco-ansiedad en
Francia, y desmiente la idea recibida de que los jóvenes son principalmente ecoansiosos.

Palabras clave: ECO-ANSIEDAD, PROBLEMAS MEDIOAMBIENTALES, RESPONSABILIDAD SOCIAL DE
LAS EMPRESAS; SENTIDO DEL TRABAJO, AGENTIVIDAD

VARIA :

La régulation de la pluralité dans l’hindouisme mauricien : histoire, acteurs et pratiques

Mathieu CLAVEYROLAS
Traduit du français par Monica BIBERSON

Résumé :

La pluralité de la jeune nation mauricienne n’est pas seulement inscrite dans l’histoire, elle est fondatrice et structurante, ancrée dans la violence radicale de la colonisation, de l’esclavage et de la plantation. J’étudie les dynamiques croisées de la régulation de la pluralité dans la société mauricienne et de la
redéfinition de l’hindouisme, de ses frontières internes et externes, à partir de l’histoire et de l’ethnographie des lieux de culte, des pratiques et des acteurs qui la construisent. J’envisage chronologiquement les différentes phases de l’exportation de l’hindouisme et de sa pluralité à Maurice : quelles sont les conséquences lorsque
les engagés quittent le territoire indien, lorsqu’ils partagent la traversée de l’océan en bateau, lorsqu’ils s’installent dans la plantation plurielle et lorsqu’ils s’inscrivent dans un État indépendant et séculier ?

Mots-clefs : MAURICE, HINDOUISME, PLANTATION, PLURALITÉ, CRÉOLITÉ

Abstract :

In this conference transcript, the author starts from his own experience as a philosopher of law to define interdisciplinarity as a dialogue between disciplines based on epistemological and intersubjective pillars. However, three different concepts should be distinguished. Pluridisciplinarity (or multidisciplinarity)
associates several disciplines, each remaining autonomous. Interdisciplinarity is a dynamic approach because each discipline sees its way of apprehending an object being modified by the confrontation with the uses of another one. Finally, transdisciplinarity crosses several disciplines but it also transcends them by working
to build a new methodology. The observable gap between the interdisciplinary concerns expressed by many research teams and the lack of concrete practices can be explained by various reasons that the author details, before emphasizing that interdisciplinarity remains an ambitious and demanding challenge.

Keywords: MAURITIUS, HINDUISM, PLANTATION, PLURALITY, CREOLENESS

Resumen :

La pluralidad de la joven nación mauriciana no sólo está inscrita en la historia, sino que es fundadora y estructuradora, enraizada en la violencia radical de la colonización, la esclavitud y la plantación. Estudio aqui la dinámica de intersección de la regulación de la pluralidad en la sociedad mauriciana y la redefinición del
hinduismo, de sus fronteras internas y externas, sobre la base de la historia y la etnografía de los lugares de culto, las prácticas y los actores que lo construyen. Considero cronológicamente las diferentes fases de la exportación del hinduismo y su pluralidad a Mauricio: ¿cuáles son las consecuencias cuando los hombres
alistados abandonan el territorio indio, cuando comparten la travesía del océano en barco, cuando se establecen en la plantación plural y cuando se unen a un estado independiente y secular?

Palabras clave : MAURICIO, HINDUISMO, PLANTACIÓN, PLURALIDAD, CREOLIDAD


Le théologico-politique. Genèse et constitution d’un problème

Émilie TARDIVEL

Résumé :

Bien que le Traité théologico-politique soit à l’origine de la réactivation du « problème théologico-politique » au XXe siècle (de Leo Strauss à Carl Schmitt), Spinoza n’invente pas ce problème ni ne l’introduit dans la philosophie politique moderne. Spinoza hérite de ce problème non seulement des théologiens réformés
du début du XVIIe siècle, mais également de l’interprétation qu’en propose Hobbes dans le Léviathan. Le but de cet article est de reconstruire ce double héritage et de montrer que l’originalité du Traité théologico-politique consiste à achever la constitution philosophique du « problème théologico-politique », et à faire porter la charge de ce problème au concept de bien commun. C’est cette charge qui caractérise originellement la conception libérale du bien commun et explique ses paradoxes.

Mots-clefs : THÉOLOGIE POLITIQUE, BIEN COMMUN, LIBÉRALISME, CARL SCHMITT, HOBBES, SPINOZA

Abstract :

Even if the Theologico-political Treatise is at the origin of the reviving of the “theologico-political problem” in the twentieth century (from Leo Strauss to Carl Schmitt), Spinoza neither invents nor introduces this problem in the modern political philosophy. Spinoza inherits this problem from the reformed theologians of the beginning of the seventeenth century, but also from its Hobbesian interpretation in the Leviathan. The aim of this article is to reconstruct this double heritage and to highlight that the originality of the Theologico-political Treatise is to achieve the philosophical constitution of the “theologico-political problem” and to burden the concept of the common good with this problem. That is this burden that originally characterizes the liberal conception of the common good and explains its paradoxes.

Key-words: POLITICAL THEOLOGY, COMMON GOOD, LIBERALISM, CARL SCHMITT, HOBBES, SPINOZA

Zusammenfassung :

Auch wenn der Theologisch-politischer Traktat der Ausgangspunkt des Wiederauflebens des „theologisch-politischen Problems“ im zwanzigsten Jahrhundert ist (von Leo Strauss bis Carl Schmitt), so erfindet Spinoza
dieses Problem weder, noch führt er es in die moderne politische Philosophie ein. Spinoza erbt dieses Problem vielmehr von den reformierten Theologen des frühen siebzehnten Jahrhunderts und ebenso von Hobbes’ Interpretation im Leviathan. Das Ziel dieses Artikels ist dieses doppelte Erbe zu rekonstruieren und aufzuzeigen, dass die Originalität des Theologisch-politischen Traktats darin besteht, die philosophische Konstitution des „theologisch-politischen Problems“ vollendet zu haben und den Begriff des Gemeinwohls mit diesem Problem belastet zu haben. Es ist diese Last die die liberale Konzeption des Gemeinwohls ursprünglich charakterisiert und dessen Paradoxe erklärt.

Schlüsselwörter: POLITISCHE THEOLOGIE, GEMEINWOHL, LIBERALISMUS, CARL SCHMITT, HOBBES,
SPINOZA