Abondements CPF : passer de la théorie à la pratique
mise à jour le 5 décembre 2023
UCLy
Moncompteformation, une réelle innovation technologique
Depuis le début de cette année 2020, les actifs ont la possibilité d’acheter directement grâce à leur CPF monétisé des parcours de formations certifiants (inscrits au RNCP ou au Répertoire Spécifique) via le portail internet moncompteformation.gouv.fr
Le large catalogue à disposition de tous est alimenté par l’ensemble des organismes de formation renommés désormais prestataires de développements des compétences, disposant d’une telle offre et les ayant préalablement référencés via un espace qui leur est dédié : EDOF (Espace des Organismes de Formation).
Un portail d’information générale est également à leur disposition : Portail d’Information des Organismes de Formation (PIOF).
Cette désintermédiation issue de la loi du 5 septembre 2018 a été rendue effective par le développement rapide par la CDC (Caisse des Dépôts et Consignation) d’une solution technique totalement dématérialisée comprenant, outre le portail d’accès au catalogue de l’offre (site web et appli), un dispositif de gestion des parcours d’achat et sa sécurisation juridique via des Conditions Générales d’Utilisation1.
Même si certaines fonctionnalités dont le moteur de recherche se révèlent perfectibles à l’usage, la mise en place d’un dispositif d’amélioration continue agile et collaboratif permet d’en corriger régulièrement les disfonctionnements majeurs. L’opérationnalité de ces outils digitaux couplée à une campagne de communication grand public assez efficace ont permis au dispositif de rencontrer un certain succès.
En effet moins de trois mois après son lancement le 21 novembre 2019, l’application avait été téléchargée2 par plus d’un million de Français3 dont deux tiers d’ouvriers et employés et les deux supports (site et appli) avaient déjà accueilli plus de 5 millions de visiteurs selon Murielle Pénicaud, ministre du Travail de l’époque.
Une appropriation grand public en demi-teinte
Cette curiosité réelle est toutefois à nuancer ; même si 160 000 personnes avaient déjà fait le pas de constituer un dossier au cours de cette même période, une enquête récente d’IPSOS pour Wall Street English4 montre que même si les actifs ont majoritairement entendu parler du CPF (84 %) seule la moitié d’entre eux savent précisément de quoi il s’agit. Parmi ces derniers, moins de la moitié (47 %) savent le consulter ou trouvent cela simple.
Par ailleurs, les demandes portent encore majoritairement sur des actions courtes « permis de conduire, bilan de compétences, création et reprise d’entreprises, formations en langues et en digital. » et donc très peu sur des parcours de formation plus longs, certifiant des compétences métiers, en totalité ou même par blocs.
Un manque d’appropriation du CPF pour les parcours métier certifiants qui peut se révéler problématique
Le manque d’appropriation du dispositif pour ce type de parcours long peut se révéler problématique pour les trois acteurs que sont : le législateur, l’organisme de formation et surtout l’usager final.
1/ En effet, en limitant l’usage du CPF à l’offre de formation certifiante, le législateur souhaitait doute permettre aux actifs d’acquérir des compétences reconnues et donc valorisables sur le marché de l’emploi, afin de sécuriser leur parcours professionnel. La certification, gage de qualité et de visibilité devait servir de régulation sur un marché libéralisé et désintermédié. Or, même si les compétences transversales linguistiques ou informatiques plébiscités actuellement par les utilisateurs du dispositif sont aujourd’hui un facteur clé d’employabilité pour des cadres déjà bien formés, elles ne sont pas un levier suffisant pour sécuriser le parcours professionnel de la plupart des actifs. Il faudrait que ces derniers puissent s’emparer du CPF également pour développer et certifier leurs compétences métiers sur des parcours souvent plus longs et plus couteux.
2/ Un grand nombre d’organismes de formations quant à eux se sont lancés dans la course aux certifications afin de garantir l’éligibilité de leur offre métier au CPF pour leur public individuel. Or, ils peinent pour l’instant à percevoir les bénéfices de leurs démarches de demande d’enregistrement auprès de France Compétences.
En effet, la réalisation de ces dossiers qui demandent un fort investissement en temps et ressources humaines aboutit aujourd’hui à un taux d’acceptation de 64% au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) et de 20% pour les dossiers du Répertoire spécifique (RS)5 après un délai moyen de 5 mois (de 3 à 9 mois selon les flux et les priorités d’instruction).
Si au bout de ce « parcours du combattant » la demande n’est pas au rendez-vous, cette expérience peut être de nature à fragiliser leur modèle économique et à questionner leur stratégie de développement.
3/ Pour l’usager final, salarié ou demandeur d’emploi, la possibilité d’acheter en toute autonomie une formation certifiante de son choix est évidemment une innovation précieuse pour contribuer à son employabilité, à fortiori dans le contexte de crise actuelle. Toutefois, pour être en capacité de passer à l’action, il faut pour tout à chacun que ce projet de formation soit compatible avec son organisation, contrainte à laquelle la digitalisation croissante des formations tend à répondre, mais aussi que que la part de la formation qu’il doit financer lui-même (son reste à charge) soit réduite.
Un verrou qu’il fallait faire sauter : la question du reste à charge pour l'usager
Le reste à charge constituait jusqu’ici un des freins majeurs à l’appropriation du CPF pour des parcours métiers certifiants. En effet le montant maximal dont disposait un actif au moment de la convention du CPF en euros en 2019 était de 3240 €, sous condition qu’il n’ait pas utilisé son DIF et qu’il ait bien reporté ses droits. Or selon l’enquête citée précédemment4, seulement un salarié sur six (17 %) déclare avoir déjà saisi ses heures DIF sur son compte CPF.
Même si les députés ont repoussé au 30 juin 2021 l’échéance pour transférer ces droits (déjà reporté au 31 décembre de cette année), cela signifie que 87 % des actifs ne sont pas en capacité aujourd’hui d’activer ce levier financier équivalant à 1800 €. Même pour un salarié proactif et aguerri qui ne souhaite pas attendre 2023 pour acquérir la somme maximale plafonnée à 5000 € (ou 8000 € pour les moins qualifiés) pour obtenir une certification inscrite au RNCP, la question du reste à charge (qui peut s’élever à plusieurs milliers d’euros), peut constituer un véritable frein. Le fait que le candidat doive régler cette somme intégralement, en une seule fois, avec sa carte bancaire au moment de l’achat, se révèle être une contrainte supplémentaire.
Même si l’actuel CPF de transition (qui a remplacé le CIF) ou les projets de « CPF de transition métiers en tension » ou « Transition collective » en discussion dans le cadre du plan de relance seront peut-être des opportunités à saisir à l’avenir, (cf. notre article https://www.ucly.fr/reconversion-professionnelle/), seul le CPF offre aujourd’hui à tous une solution relativement rapide, opérationnelle et garantie.
L’ouverture du portail financeurs et entreprises, une vraie bonne nouvelle pour rendre effectifs les abondements.
La question du reste à charge avait été pensée par le législateur qui avait inscrit dans la loi Avenir Professionnel la possibilité d’abondements par différents acteurs dont les entreprises et le Pôle emploi. Le décret n° 2018-1171 du 18/12/2018 (JO du 20/12/2018) en avait précisé les différentes modalités6.
Toutefois, tant que ce droit n’avait pas été intégré au Système d’Informations de Moncompteformation, sa mise en œuvre relevait pour le moins d’un exercice de haute voltige pour l’employeur et l’organisme de formation associé. Nos confrères ont certainement vécu comme nous cette expérience pour le moins complexe.
Au cours du mois de juillet la CDC avait posé une première brique en ouvrant un Portail d’Information des Employeurs et des Financeurs, PIEF sur le même modèle que celui des organismes de formations afin de leur permettre de s’informer de leurs obligations et de leurs possibilités d’abondements.
Il répertorie également différentes informations utiles sur les abondements et des conseils sur l’accompagnement des salariés dans la mobilisation de leurs droits à la formation et permet de s’inscrire à une newsletter d’informations.
S'inscrire à la newsletter
La possibilité d’abonder est enfin opérationnelle pour les entreprises depuis le 3 septembre dernier avec l’ouverture de l’Espace des Employeurs et Financeurs, EDEF. Comme pour son grand frère EDOF, il permet de créer un accès sécurisé, via dans ce cas la plateforme Net-entreprises.
Après s'être authentifié et abonné au service « Mon Compte Formation » l’employeur se connecte à l’espace sécurisé EDEF et peut abonder le CPF de ses salariés au titre de l’une des quatre dotations possibles :
- La dotation volontaire pour inciter les salariés à se former ou compléter le financement de leur projet de formation en cours ;
- Les droits supplémentaires au titre des accords collectifs ;
- La dotation obligatoire en cas de licenciement ;
- Les droits correctifs en cas de non-respect des obligations légales de l’employeur.
Plaquette, infographies, vidéo, guides… tout est très bien pensé et disponible ICI.
Salariés, demandeurs d’emploi, trouver des informations ici :
Abondement employeurs
Abondement Pôle emploi
L’ouverture de la plateforme EDEF est donc une vraie avancée pour permettre une mise en œuvre opérationnelle des abondements. Les individus peuvent donc désormais mener des démarches actives de négociation de co-financement avec leur employeur et les employeurs s’emparer du dispositif.
Néanmoins, même si l’appropriation des outils par les entreprises sera certainement aisée, les freins potentiels peuvent résider dans les détails, comme la non récupération de la TVA sur la facture des organismes assujettis. L’enjeu de fond est surtout que les entreprises s’emparent réellement de cette opportunité pour l’intégrer stratégiquement à leur politique RH.
Pas d’appropriation sans accompagnement
Le cadre juridique, la faisabilité technique et l’appropriation par les acteurs sont donc trois facteurs clés pour rendre les individus réellement acteurs de leur parcours de développement et certification de leurs compétences. Notre pratique nous a fait mesurer qu’un quatrième était aussi déterminant, la possibilité des individus d’être accompagnés dans leur parcours.
Le renforcement du rôle et des missions du CEP dans la dernière loi participent certainement de ce même constat. A l’échelle de l’UCLy nous avons pu mesurer que cette dématérialisation aussi efficiente qu’elle soit ne peut exclure des échanges avec les interlocuteurs ad hoc pour voir l’issue positive d’un dossier.
Voici un cas pratique concernant un abondement Pôle Emploi :
Lorsque le candidat M.X a fait une demande d’inscription via le site moncompteformation, nous avons saisi le contexte de sa demande en échangeant directement avec lui. Nous avons partagé ce contexte avec les responsables pédagogiques de la formation pour trouver des axes de modularisation et d’individualisation du programme en fonction du positionnement pédagogique du candidat.
Le candidat a, lui, échangé avec son conseiller Pôle emploi pour soutenir son projet professionnel qui nécessite l’acquisition de la certification visée.
L’association de ces échanges pour comprendre le projet du candidat, son contexte professionnel et personnel et la maitrise des fonctionnalités de moncompteformation (qui s’appuie sur un travail de veille technique) a permis à M.X de s’inscrire à la formation, échelonner pour partie ses paiements, et obtenir un abondement Pôle Emploi.
C’est une illustration de l’importance de l’accompagnement humain en parallèle du traitement technique du dossier, au bénéfice du candidat.
Pour exercer pleinement notre métier dont le cœur reste l’ingénierie de formation et son déploiement pédagogique nous devons donc tout à la fois :
1/ Exercer un travail de veille et d’analyse du cadre réglementaire et anticiper ses impacts stratégiques et opérationnels
2/ Maitriser par la pratique l’usage des plateformes et capitaliser cette expérience
3/ Identifier et être en capacité de dialoguer avec le plus grand nombre d’acteurs (fonctions RH des entreprises, financeurs, CEP, institutionnels, autres OF…)
4/ Garder à l’esprit que ce qui est premier dans l’accompagnement n’est pas le bon usage de la « tuyauterie » réglementaire et technologique mais l’échange afin de permettre au candidat de réussir son projet d’évolution professionnelle
Ces quelques constats parleront sans doute à ceux qui ont vécus, comme nous, l’expérience Qualiopi (lire notre article).
Vous souhaitez savoir comment utiliser efficacement votre CPF et trouver la formation qui vous convient ? Le service Formation Professionnelle de l’UCLy se tient à votre disposition pour vous accompagner dans votre démarche. Votre Conseiller en Evolution Professionnelle reste également à votre écoute pour vous guider dans votre projet et répondre à vos questions.
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Ressources
1 Lire les conditions générales d'utilisation
2 Télécharger l’application MonCompteFormation
3 Post Twitter de Muriel Penicaud du 21 février 2020
4 Enquête réalisée par Ipsos pour Wall Street English, menée du 8 au 9 octobre 2020
5 Article "France compétences, agile face aux demandes d’enregistrement", du 20 octobre 2020
6 Modalités d’abondement du CPF : publication du décret
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