Sémiotique et Bible n°146 - Juin 2012

Bulletin d'études et d'échanges publié par le Centre pour l'Analyse du Discours Religieux

Sommaire de la revue n°146

Le Petit Köchel de Normand Chaurette ou quand la commémoration tourne à vide – Denise Cliche

S’inscrivant dans le cadre d’une réflexion sur le sacrifice entreprise par le groupe ASTER en 2006, et dont le précédent numéro de Sémiotique et Bible a commencé à publier les résultats, le présent article s’intéresse au Petit Köchel de Normand Chaurette, texte dramatique publié en l’an 2000 qui met en lumière un élément structurant du sacrifice : la commémoration. Constatant que l’action commémorative n’apporte aucun réconfort à des célébrantes qu’elle enlise plutôt dans la répétition mortifère, l’auteure en arrive à prouver, grâce à une analyse de la dimension passionnelle du discours, qu’un effet de sens affectif rattaché à la culpabilité obsessionnelle explique leur impossibilité d’entrer en contact avec le sacré. Denise CLICHE est chargée d’enseignement au Département des littératures de l’Université Laval. Elle détient un doctorat qui propose une analyse sémiotique de l’effet de sens affectif dans des textes de la dramaturgie québécoise des années 1980. Elle a collaboré au dyptique intitulé La narrativité contemporaine au Québec (Les Presses de l’Université Laval, 2004) et au numéro « Fortune et actualité de Du sens » (Protée, 2006). Elle est membre du groupe ASTER (Atelier de sémiotique du texte religieux) depuis 2005.

Le Silence au sein de la Parole : une lecture de Verbum Domini – Anne Fortin

Anne FORTIN (Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’université Laval – Québec) propose ici une réflexion sur la récente Exhortation de Benoit XVI, Verbum Domini. Ce texte parle de la Parole de Dieu, mais son originalité est autre : d’une certaine façon, il n’a pas de contenu, il ne s’intéresse pas au « contenu » de la Parole, il ne la traite pas en termes de « communication ». Il se demande ce que signifie « Dieu nous parle par son Verbe » et développe, par son écriture même, ce parcours de la Parole qui toujours nous précède et nous rejoint dans l’écoute. « Parler de la Parole de Dieu » engage une réflexivité sur l’acte même de parler de celui qui écoute : le véritable fil conducteur de l’Exhortation se révèle ainsi la question de comment parler de la parole de Dieu. Si « Dieu parle en son Verbe », il ne s’agit donc pas d’adapter le langage au monde, de prendre ses modes pour arriver à se faire comprendre. L’enjeu consiste à chercher ce que suppose l’acte de parole de Dieu au coeur de la vie des humains. Le travail théologique d’Anne Fortin rejoint ainsi des réflexions engagées depuis quelque temps au CADIR sur les conditions de l’énonciation : quelle place donner à l’ « écoute », en quoi l’énonciation suppose que soit fondée la position de l’énonciataire ?

Cette étude ouvre une série de travaux publiés dans Sémiotique et Bible et qui explorent les conditions d’élaboration d’une sémiotique de l’énonciation qui fasse droit à la place de l’énonciataire, en particulier dans la lecture des textes.

Sémiotique & Pastorale - Vers une théologie de la lecture – Olivier Robin

Sémiotique et Bible publie ici un chapitre de la thèse de doctorat en théologie d’Olivier ROBIN (CADIR Lyon), thèse qu’il a récemment soutenue à Lyon. La perspective théologique de cette thèse s’inscrit dans les travaux récents du CADIR, consacrés à une redéfinition de la sémiotique à partir d’un intérêt pour l’énonciation et d’une pratique de la lecture des textes. On parle de « sémiotique énonciative », à la suite des travaux d’Anne Pénicaud (cf. Sémiotique et Bible n° 143-144). Le chapitre ici publié appartient déjà aux conclusions théologiques de la thèse, il est précédé de plusieurs analyses de textes, textes bibliques, textes de François de Sales, approches d’historiens tels que M. de Certeau, textes théologiques comme ceux de J. Moingt ou de K. Rahner. A terme on en arrive a une redéfinition théologique de la sémiotique à la lumière de l’énonciation, de la pratique de la lecture et de l’expérience qu’elle constitue pour un lecteur (et pour un groupe lecteur). Abordant le texte avec les certitudes de son savoir et de ses représentations, le lecteur ressentira la lecture sémiotique – pour autant qu’elle fournit des outils descriptifs permettant de dégager la plus grande « objectivité » du texte – à la manière d’une « perte » (perte de savoir, de certitude, de représentations…). Mais le chemin de la lecture et le suivi de l’énonciation ouvrent à l’écoute et au don indissociablement lié à cette perte.

« Perte féconde », telle pourrait être le nom de cette expérience de lecture sémiotique à partir de laquelle Olivier Robin propose de considérer le texte comme ce qui – sous le nom de « vitrail » - est offert à la contemplation du lecteur, et de reprendre et redéfinir à cette lumière plusieurs termes de la sémiotique (schyze, manifestation/immanence…) et les parcours habituels de l’analyse.

Cet article important ouvre un débat parmi les sémioticiens sur le traitement de l’énonciation, sur la pratique de lecture qui en découle et sur les questions anthropologiques et théologiques suscitées par une lecture « croyante » de la Bible.

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