Présentation du premier volume du 16ème tome de la revue Théophilyon
Bernard Plongeron - Au nom de la loi faut-il tuer le tyran ?
Habités par l'enseignement de saint Thomas, à l'âge classique des monarchies, des théologiens (réformés et catholiques) évoquent le recours au tyrannicide pour défendre la loi juste (et non d'abord la liberté des peuples) contre le pouvoir sacral source d'arbitraire. Le XVIe siècle et le début du XVIIe siècle s'y prêtent d'autant plus que les normes sociales sont bouleversées par les appels constants au meurtre dans les troubles dynastiques, les guerres de religion, les persécutions religieuses. Les Vindiciae contra tyrannos sont, peut-être, les plus beaux fleurons de cette littérature. Avec un glissement sémantique : le tyrannicide s'appelle le régicide (assassinats d'Henri III et d'Henri IV) érigé en parricide, donc encore plus monstrueux pour les défenseurs de la monarchie. L'argumentation tyrannicide, au XVIIIe siècle, rebondit avec la pratique absolutiste. Les jésuites succombent au soupçon, les jansénistes inventent une hypothétique « politique chrétienne » qui désacralise le pouvoir monarchique.
Mariette Canévet - Comment une règle monastique peut-elle intégrer l’exception ?
Comment une règle monastique peut-elle intégrer l'exception ? La question est importante de nos jours où l'instabilité de notre monde et l'incertitude de notre avenir nous rendent difficile d'imaginer suivre une même règle toute une vie. Pour répondre à la question posée, l'auteure s'appuie sur deux règles largement adoptées, celle de saint Benoît et celle de saint Augustin, ainsi que sur les écrits de Cassien, résumé et reflet d'une vie érémitique donc plus attentive aux cas singuliers. Après avoir mis en relation les règles avec le choix de vie personnel du débutant, on pose la question de savoir si la règle prévoit de s'adapter aux circonstances diverses des étapes de la vie ou d'intégrer des exceptions. On souligne ensuite que le but d'une règle est d'établir non une uniformité mais une harmonie dans la diversité. Plus radicalement surtout la règle aide à se conformer à l'Évangile et la fin du moine comme celle de tout chrétien est de répondre à l'appel de la grâce, non de correspondre à un schéma humain de perfection. On souligne alors que la règle s'adresse fondamentalement aux débutants. On conclut par l'évocation du cas extrême présent dans les Conférences de Cassien, où un appel à plus de perfection remet en cause l'engagement initial et met en lumière le fait que la règle des règles est de suivre le Christ.
Pierre Gire - La norme et l'exception
La norme et l'exception participent à la régulation de la vie humaine dans son devenir historique, social, économique, politique, religieux et culturel. La norme définit son propre champ d'application, tandis que l'exception révèle ce que la norme n'intègre pas pour de multiples raisons. En réalité, c'est dans leur rapport de réciprocité que résident tout autant leur vérité que leur fécondité respectives. À la norme, l'exception oppose le renoncement à la toute puissance au nom de l'avenir de la vie. À l'exception, la norme montre l'impossibilité de la vie affranchie de toute structuration. Ainsi la vie humaine est exigence d'organisation et de liberté. Dans la réponse à cette exigence paradoxale se laisse apercevoir le sens ultime de l'inséparabilité de la norme et de l'exception.
Christophe Nihan et Hervé Gonzalez - Les exceptions à la loi dans l’ancien testament
Une image courante de la loi vétérotestamentaire la présente comme une loi relativement rigide et figée, devant être appliquée à la lettre et ne souffrant aucune exception. Pourtant, à y regarder de près, les principales collections de lois de l'Ancien Testament prévoient déjà de nombreuses dérogations dans l'application du droit. Cette brève étude se propose de faire le point sur ce phénomène, en passant en revue quatre principales dimensions d'exception : les exceptions pour homicide involontaire, les exceptions en cas de circonstances ou d'événements particuliers; les exceptions pour raisons socio-économiques, enfin, les cas dans lesquels la loi prévoit la possibilité pour une personne de demander la non-application du droit. Ces différents cas de figure mettent en évidence la manière dont les codes de l'Ancien Testament prévoient de nombreuses dérogations dans l'application du droit. En outre, il convient de tenir compte du fait que les codes législatifs de l'Ancien Testament ne sont pas des codes ou des manuels de droit au sens moderne, mais des compositions savantes présentant un caractère fortement théorique. Différents indices suggèrent que la pratique juridique effective dans l'Israël ancien pouvait varier de manière significative par rapport aux prescriptions de ces codes, et présenter des phénomènes d'exception plus importants encore.
Philippe Toxé - L’exception à la loi dans le droit canonique de l’Église catholique romaine
Le droit canonique, parce qu'il est ordonné au salut des âmes, prévoit que la norme abstraite de la loi peut connaître des exceptions. Celles-ci peuvent être prévues dans la norme elle-même qui, à côté d'une proposition impérative principale, indique d'autres moyens d'honorer l'une des valeurs que la norme veut protéger. De même, le législateur universel, lorsqu'il édicte une nouvelle norme universelle, n'entend pas par principe abroger les normes en vigueur dans des églises particulières. D'autres exceptions à la loi naissent des décisions individuelles que sont la dispense et le privilège, qui dans un cas particulier, dérogent au droit commun tout en le laissant subsister.
Xavier Lacroix - L’indissolubilité du mariage, entre le mystère et la loi
L'affirmation de l'indissolubilité du mariage prend sa source dans une des paroles les plus certaines et les plus originales de Jésus, l'interdiction du divorce et du remariage. Cette norme est une des deux formes de l'appel à la radicalité évangélique, en même temps qu'elle a une dimension mystique, plongeant dans le mystère de l'Alliance unique et définitive. L'Église catholique a choisi de traduire l'appel en termes de loi et de discipline. Entre le mystère et la loi, quelle sera la place pour les itinéraires qui ne répondent pas à cette exigence ? Nous proposons une hypothèse de recherche qui maintienne l'affirmation de la permanence du lien tout en intégrant la notion de cheminement. Ce cheminement peut avoir lieu au sein de la discipline actuelle de l'Église, tandis que le théologien s'interroge sur des aménagements possibles de cette dernière, où un temps de pénitence ouvrirait sur une démarche de réconciliation. En toute hypothèse, la réconciliation ne serait pas une négation de la loi, mais l'affirmation d'une économie supérieure à celle-ci.
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