Résumés des articles du second volume du 14ème tome de la revue Théophilyon
Pierre Giuliani - Divertissement mondain et disposition spirituelle : notes sur Madame de Sévigné
Sans doute est-ce à juste titre que le nom de Madame de Sévigné est associé au divertissement. Dans sa correspondance, en effet, la marquise ne se prive pas de célébrer les agréments du monde, dont elle jouit en spectatrice. L'épistolière, cependant, ne se montre pas toujours ainsi distraite d'elle-même et du souci de son salut, qui lui tient vraiment à cœur. Cette double postulation - divertissement mondain et disposition spirituelle -, Madame de Sévigné ne la vit certes pas comme une tension déchirante ; mais en chrétienne sincère du siècle classique, elle nous rappelle en revanche qu'avec la grâce à Dieu la question du sens de la vie résiste aux séductions du monde.
Jacques Arênes - Figures contemporaines du divertissement et création de soi
Le « détour » du divertissement prend une valeur particulière dans notre culture moins capable d'organiser des dispositifs collectifs d'approche de la fragilité humaine. Le divertissement devient alors une tâche où s'exprime la recherche de soi. En notre société « de la culture », le divertissement ne consiste alors plus en une fuite d'un sens douloureux, ou un refus d'une négativité constituante, mais en une recherche de soi anxieuse, et une quête d'un sens à construire. Le modèle freudien du divertissement, notamment théâtral, est celui du miroir où le névrosé relirait sa névrose, et tenterait de la saisir. Certaines figures contemporaines du divertissement correspondent à celle des addictions où le sujet s'enchaîne au miroir censé le refléter. Les leurres du virtuel mettent ainsi en scène ce danger d'aliénation où la production de soi confine à la perte de soi. Le paradigme créateur du "jeu", au sens où l'évoquait le psychanalyste Donald Winnicott, permettrait de penser un divertissement échappant à l'aliénation de la compulsion.
Pierre-Marie Beaude - Le divertissement dans les reprises de la Bible
L'auteur traite ici de la façon dont la Bible a fourni matière à divertissement dans l'histoire de l'Occident. Il est clair qu'il ne faut pas d'abord chercher le divertissement dans les lectures savantes ou les prédications ex cathedra de la Bible. Bien des spécialistes de la littérature et du folklore ont attiré l'attention sur le fait que le divertissement est une façon de vivre, et parfois même de survivre, dans un système contraignant. Ce fut le cas au Moyen Âge, où la culture des clercs s'imposait au peuple comme une chose monolithique, faite d'une théologie d'école véhiculée dans la langue latine dont le peuple était exclu. La littérature qui se réfère aujourd'hui à la Bible est plus qu'un "simple divertissement". Elle fait fonction d'antidote au pouvoir que seraient tentés de revendiquer les clercs contemporains en annexant un sens prétendument unique du texte sacré.
Philippe Abadie - Le livre d'Esther comme lieu du travestissement masqué
S'attachant à la trame narrative du livre d'Esther (notamment, la récurrence des festins), l'auteur met en lumière le cryptage du récit qui, à travers un jeu multiple de masques et d'énigmes, met en avant le sens caché de la fête de Pourim. Il ne s'agit pas avant tout d'un carnaval, mais du dévoilement d'une présence cachée dans l'histoire : le Dieu qui sauve les victimes. Dès lors le déguisement fait tomber les masques, et le pur divertissement se mue en révélation.
Michel Le Guern - Pascal et le divertissement
Quand Pascal construit son analyse du divertissement, il ne choisit pas de juger en moraliste, mais il choisit une attitude d'anthropologue. Il ne condamne pas le divertissement. Il l'observe, le décrit dans ses diverses modalités, dans les situations les plus variées. Il y voit une nécessité de la condition de l'homme, condamné à chercher par le tumulte un repos qui lui échappe sans cesse. Cette recherche est guidée par le souvenir de sa grandeur perdue, mais elle ne peut pas aboutir, en conséquence de la misère inhérente à la condition humaine, cette misère que la religion chrétienne explique par le dogme du péché originel. Ainsi la considération du divertissement et de sa nécessité constitue une étape dans la recherche de la vérité.
Éric Mangin - Écriture prophétique et vision de l'homme chez Hildegarde de Bingen
Les visions d'Hildegarde de Bingen sont des compositions littéraires très élaborées qui s'inscrivent dans un contexte historique de crises et de déchirements menaçant l'identité chrétienne. En d'autres termes, les difficultés à l'intérieur de l'Église, dans la société et avec l'Empire, sont à l'origine de l'écriture prophétique et permettent de la comprendre. Plus exactement, l'image employée dans la vision a pour fonction de diriger l'esprit vers un idéal qui invite l'homme à relire le présent d'une humanité sans cesse à construire... un miroir en quelque sorte dans lequel chacun peut contempler une identité qui toujours nous échappe.
Jean-Noël Guinot - Exégèse et théologie patristiques - Actualité du questionnement des Pères
Pierre Gire - Existence et faillibilité
Ariane Merceron-Vicat - Marie Noël ou l'impensable divertissement
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