Présentation du premier volume du 18ème tome de la revue Théophilyon
L’usage de la notion de “signes des temps” au concile Vatican II
La notion de signes des temps, probablement inspirée par la pensée de M.-D. Chenu, se trouve sous la plume de Jean XXIII, dès 1961, et, plus encore, dans l'encyclique Pacem in terris (11 avril 1963). Elle traduit la conviction fondamentale que c'est le Christ qui est le Seigneur de l'histoire. Prêter attention aux signes des temps va de pair avec une valorisation de l'histoire comme lieu théologique, mais une histoire perçue comme orientée par l'espérance et l'attente de la venue glorieuse du Messie au dernier jour. À plusieurs reprises, Gaudium et spes, mais aussi d'autres textes conciliaires, invitent l'Église à prendre en considération les tendances de l'époque et à opérer un discernement, présentant même cette tâche comme un devoir pour elle.
Discernement des signes des temps ou application de la doctrine sociale de l’Église ? Évolutions et diversité des interprétations dans le magistère post-conciliaire
La thématique des « signes des temps » est traditionnellement saluée comme caractéristique de Vatican II, et plus spécialement de la constitution Gaudium et Spes : elle est considérée comme emblématique d'une démarche plus « inductive » que celle mise en œuvre dans l'application de la « doctrine sociale de l'Église ». L'article se propose d'étudier sa réception dans le magistère postérieur au concile. Cette réception s'avère contrastée ; la signification donnée à l'expression tend à évoluer, selon qu'on voit dans les signes des temps des « signes de Dieu » ou les valeurs, ambivalentes voire préoccupantes, d'une société donnée. Dans une deuxième partie, l'article envisage la réception magistérielle d'une formulation de la lettre Octogesima adveniens du pape Paul VI, document et formulation souvent considérés comme exemplaires de la démarche inductive qui est celle des « signes des temps » : force est de conclure que cette réception, loin d'étayer une démarche de type inductif, sert plutôt à promouvoir l'application pure et simple de la doctrine sociale de l'Église. Il faut en chercher la cause dans la formulation même du document de Paul VI. L'article propose donc une illustration de la réception complexe qui est réservée, par le magistère lui-même, à des documents magistériels, qu'ils soient conciliaires ou pontificaux, du fait notamment de la complexité des documents originels.
Discerner les signa temporum ou la « contemporanéité » évangélique Mt 16,1-4 et Mt 24-25
L'article analyse, du strict point de vue de l'exégète, le sens de Mt 16,3 dans lequel se trouve l'expression « signes des temps ». On discute d'abord un point de critique textuelle puisque le v. 3 n'est pas attesté dans certains manuscrits importants. Dans la suite, on envisage successivement le passage de Mt 16,1-4 sans et avec le v.3. Dans une dernière étape, on s'interroge sur la reprise de la catégorie du sêmeion articulée à celle du temps dans le discours eschatologique de Mt 24-25. De l'ensemble du parcours exégétique, il ressort que l'expression sêmeia tôn kairôn se présente comme une invitation à une forme de présence critique à son époque. Pour l'auditeur de l'évangile de Matthieu, il s'agit de discerner les symptômes de son temps sans se laisser abuser ou séduire. Dans le cadre plus large de la narration évangélique, Mt 24-25 constitue une explicitation de l'expression sous forme d'un long discours de Jésus qui recadre la question de départ des disciples (24,3). Pour traduire en langage philosophique ce que l'expression sêmeia tôn kairôn recouvre mais aussi la condition du disciple que le discours de Mt 24-25 développe, on propose d'utiliser le terme de « contemporanéité » tel que le définit le philosophe Giorgio Agamben.
Maritain et la sémiotique des signes
Philosophe contemplatif, mais également profondément engagé dans tous les enjeux de son époque, Maritain ne se lassa jamais de proposer à la méditation de ses contemporains des « hypothèses régulatrices » fondées sur sa lecture des « temps ». On rappellera ici quelques principes de son herméneutique en la matière, dont les premiers rudiments lui avaient été transmis par son parrain Léon Bloy, et la conception de la vocation chrétienne dans le temps qu'il développa dans sa Philosophie de l'histoire (trad. 1959). Le Paysan de la Garonne (1966), qui, aussitôt le concile Vatican II achevé, ouvrit la bataille des interprétations, distinguait également quelques « signes » nouveaux, esquissant un horizon qui reste le nôtre.
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